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Axe 3 : « Sciences sociales et circulation des savoirs »

mercredi, 22 février 2017

Présentation

Cet axe réunira des sociologues, anthropologues, politistes et urbanistes autour de réflexions théoriques, méthodologiques et épistémologiques sur la fabrique et la circulation de savoirs en contexte globalisé. Dans un mouvement d’internationalisation des savoirs en sciences sociales, de nouveaux centres et de nouvelles périphéries s’effacent, d’autres se forment ; de nouvelles hiérarchies apparaissent, qui produisent des dominations, des résistances, des compétitions, des assemblages et des émergences de connaissances situées dans différents contextes sociétaux. Il s’agit de penser les continuités et les discontinuités, les agencements et les disjonctions qui se construisent dans la circulation des savoirs en sciences sociales. Les activités scientifiques de cet axe dialogueront avec celles du LIA « Sociologies post‐ occidentales et sciences de terrain en Chine et en France » (CNRS‐ENS Lyon/Académie des Sciences Sociales de Chine). La réflexion sera développée à partir de problématiques et de recherches empiriques portant notamment sur les thèmes suivants : modernités plurielles et « compressed modernities » ; incertitude et risques ; individuation et subjectivité ; dominations et résistances ; conflits et ordres de reconnaissance ; migration et multipolarité. Une partie des activités de cet axe s’effectuera aussi avec le Labex IMU (Urbanisation, mondialisations, capitalismes).

Membres de l’équipe

Comment penser la pluralité des récits narratifs des sociétés contemporaines ?

Les individus circulent dans une diversité d’espaces, de lieux, de situations, les identités se redéfinissent et se recomposent sans cesse. Les sociétés ne cessent de s’influencer dans un contexte de mondialisation tout en vivant leurs propres mutations, notamment leurs propres ruptures, conflits, fragmentations, qui, elles aussi, influencent le reste du monde. En effet des mouvements d’internationalisation et de cosmopolitisation participent activement à la prolifération d’agencements nouveaux, à la déstabilisation d’arrangements institutionnels établis entre territoire, autorité et droits pour reprendre les termes de Saskia Sassen. Les cosmopolitismes donnent à voir comment se complexifient et se multiplient des « régimes d’altérités » , des manières d’être avec autrui et d’interagir sur des modes différenciés.

Comment défaire les hiérarchies construites par les hégémonies entre sociétés occidentales et les sociétés asiatiques, arabes, orientales, africaines … ? Nous nous plaçons ici dans un espace épistémique pluridimensionnel pour penser nos sociétés, pour comprendre comment d’anciennes hiérarchies de savoirs sont bousculées pour céder la place à de nouvelles, comment des réseaux transnationaux et translocaux de connaissances peuvent se former en créant des processus de conjonction et de disjonction culturelle et symbolique.

Des formes de colonialisme scientifique ont marqué le développement de la pensée sociologique, l’orientalisme défini par Saïd [1] a signifié la mise en place de dispositifs qui captent et orientent des savoirs et des pratiques scientifiques et intellectuelles. Les effets d’hégémonie culturelle et d’impérialisme politique n’ont pas permis de reconnaître les genèses, histoires et processus de production de pensées émancipées de l’orientalisme. Après Chakrabarty [2], Bhabba [3] dans le prolongement des subaltern studies et des postcolonial studies il nous paraît aujourd’hui moins pertinent de penser la pluralité des « provinces du savoir » que les nouvelles centralités, et surtout de penser les continuités et les discontinuités, les agencements et les disjonctions entre des lieux de savoir situés à différents endroits du monde pour laisser apparaître un espace intermédiaire transnational à la fois local et global. Nous adopterons donc une perspective épistémologique, théorique et méthodologique qui permet de penser les nouveaux cosmopolitismes en sociologie et plus largement en sciences sociales [4].

Les chercheurs et les doctorants de cet axe, à partir de recherches « ici », « là-bas », « ici et là-bas », de terrain situés et multisitués, contribueront à affiner cette problématique et à penser la pluralité des récits narratifs des sociétés contemporaines.

Hélène Buisson-Fenet aborde la question des cosmopolitismes à partir de l’analyse de deux objets transversaux : d’une part, "l’événement migratoire" dans les processus de qualification scolaire ou professionnelle, et ses modalités de gestion en fonction des appartenances sociales des individus et des conditions sociétales qui dessinent les mobilités socio-géographiques. Elle s’appuie sur une comparaison des projets et des conditions de "migration de qualification" de lycéens marocains et français, scolarisés dans les 3 lycées français de Rabat, Casablanca et Marrakech. D’autre part, le handicap comme référentiel d’action publique dans le secteur scolaire : il s’agit de s’interroger sur la construction (ou le déni) de catégories d’inclusion sociale, à l’aune des arènes professionnelles socio-éducatives qui s’en emparent ou travaillent au contraire à les écarter de l’agenda des politiques scolaires. L’intérêt porté à cette thématique repose sur un travail en cours à propos de la fabrication statutaire des Auxiliaires de Vie Scolaire en France, et dans une perspective de comparaison internationale, de la constitution de professions d’accompagnement des élèves dits "à besoins spécifiques".

Les travaux de Camille Hamidi travaille d’une part sur la sociologie de la culture états-unienne, avec Michèle Lamont, professeur de sociologie à l’université d’Harvard, en regardant comment les formes de catégorisations (ethnique, sociale et territoriale) ordinaires jouent dans la création, le maintien, la remise en cause ou la subversion des différences sociales institutionnalisées, des ressources matérielles et des positions occupées. D’autre part, dans le cadre de l’ANR Réanalyse, elle dirige la tâche consacrée à "L’ethnicisation dans les sciences sociales. Le cas des enquêtes qualitatives conduites à Vaulx-en-Velin depuis les années 1960". A ce titre, elle développe un volet d’histoire sociale des sciences sociales consacré à l’ethnicité dans les sciences sociales françaises.

Les travaux de Samadia Sadouni portent sur le cosmopolitisme religieux comme nouveau genre de l’entreprise missionnaire chez les leaders musulmans d’Afrique. Elle étudie comment de nouveaux types d’acteurs musulmans participent à la pluralisation des dénominations islamiques sur la scène internationale. Les termes d’usage tels que wahhabite, salafiste, néo-fondamentaliste ne suffisent plus à appréhender la diversité des trajectoires de publicisation du religieux, il convient également d’analyser l’idéologie ou la théologie politique que véhicule le discours de ces acteurs musulmans afin de construire leur rapport à l’Autre et à l’Occident.

Nancy Venel souhaite éclairer le débat sur les transformations de la citoyenneté et les recompositions identitaires dans le cadre européen en focalisant l’attention sur les populations issues de l’immigration. Sa thèse consacrée à une population de jeunes français potentiellement musulmans (du fait de leur filiation) invite à penser toute la complexité des interrelations entre les appartenances religieuses, sociales, culturelles, supranationales etc., en fonction de la trajectoire sociale des acteurs, de leur expérience de la discrimination et du contexte social, économique et politique dans lequel ils évoluent et décrypte ses conséquences sur leur rapport ordinaire au politique . Les enjeux de désignation et de catégorisation sont au cœur de ses travaux sur les représentations sociales et subjectives des acteurs. Dans un second temps, ses recherches s’intéressent à la question de la reconnaissance des acteurs issus de l’immigration, en travaillant sur les enjeux liés aux mémoires de l’immigration et à leur patrimonialisation dans le cadre du Labex Les passés dans le présent : histoire, patrimoine, mémoire (Paris X /Cnrs) et d’une recherche intitulée « Politique de la mémoire et médiation de l’histoire à l’échelle municipale (Paris / Villeurbanne) » avec Marina Chauliac.

Samuel Lézé développe dans cet axe une ligne de réflexion dans une perspective d’anthropologie morale. Il cherchera à se centrer sur les traitements contemporains de la personne en France et en Chine, depuis le moment de la catégorisation jusqu’à la production d’un savoir visant à gérer une population spécifique, il s’agit de développer un outil de comparaison possible dans l’analyse des normes, valeurs et affects dans des situations sociales et politiques différentes. Le cas des migrants est le fil directeur dans cette comparaison des économies morales contemporaines."

Laurence Roulleau-Berger construit des « sociologies post-occidentales » avec des chercheurs situés dans des contextes non-occidentaux. Elle développe sa réflexion à partir de deux recherches en cours sur des terrains en France, en Chine, au Japon et en Indonésie. Il s’agit de croiser les regards sociologiques entre chercheurs français, chinois, japonais sur deux objets de recherche qui font sens pour eux. Elle dirige deux programmes :

a) Jeunes chinois qualifies, travail globalisé, compétences migratoires
en France et en Chine

Programme CMIRA (2011-2014), en coopération avec l’équipe du Professeur Zhen Zhihong, département de sociologie de l’Université de Shanghai.

Marie Bellot, Rozenn Bahuaud et Liu Ziqin, doctorantes à Triangle sous sa direction, participent à cette recherche.

Ici chercheurs français et chinois analysent en Chine comment les jeunes migrants qualifiés sont de plus en plus confrontés à des situations d’insécurité économique, de disqualification sociale, voire de discrimination quand ils n’ont pas de hukou (certificat de résidence). En France les jeunes migrants qualifiés originaires de Chine se trouvent aussi confrontés à des situations de déclassement professionnel, de non reconnaissance des compétences et savoirs acquis dans les sociétés de départ. Dans les deux cas apparaissent de nouvelles figures de cadres, d’entrepreneurs et de commerçants internationaux qui créent des espaces économiques multipolaires au niveau global. Dans les deux contextes ces jeunes migrants qualifiés développent des carrières professionnelles cosmopolites complexes structurées autour de continuités, de ruptures entre des expériences de travail multiples.

b) « Refaire société » en contexte post-désastre en Chine, au Japon et en Indonésie
Programme PEPS/CNRS en coopération avec l’équipe de Luo Hongguang, Director Institute of Sociology and Anthropology, CASS, Peking, Toshio Sugiman, Professor at University of Kyoto et Motohiko Nagata, Kyoto University ; Loïs Bastide, Post-doctorant, Département de sociologie, Université de Genève

En contexte de « post-désastre » en Chine, au Japon et en Indonésie se développent des nouvelles formes d’organisations sociales qui s’appuient sur des compétences de survie, des solidarités sociales et des coordinations économiques entre différent types d’acteurs publics et privés. Acteurs institutionnels et citoyens co-fabriquent des arènes publiques pour favoriser la mise en œuvre de nouveaux dispositifs politiques et des économies morales du « care ». Les individus sont engagés dans des processus de resocialisation et de recréation de « ce qui fait société » mais simultanément de nouvelles inégalités sociales réapparaissent, de nouvelles frontières morales se forment. A partir de ce type de réflexion fondamentale autour de ce qui permet de « re-créer » la société, sont mobilisés des analyses sociologiques des chercheurs chinois, japonais et indonésiens pour réinterroger les sociologues européens dans leurs réponses théoriques à ce qui « fait société » dans des contextes occidentaux.

Thèses en cours

Sous la direction de Laurence Roulleau-Berger

Thèses soutenues récemment

Youth, economic marginalization and urban skills in Lyon, Milano, Shanghai and Beijing Program CMIRA selected by the Région Rhône-Alpes (2016-2018)

French team members

Supervised by Laurence Roulleau-Berger, Research Director at CNRS, ENS Lyon

Chinese team members

Supervised by Liu Yuzhao, Professor and Deputee Director of School of Sociology and Political Science, Shanghai University LIA’s Coordinator

Presentation

In France and in China labour uncertainty and instability have produced urban labour markets that reinforce social inequalities and discriminations. The transformations produce differentiated « work regimes » that affect different categories of young urban people.

In Shanghai and Beijing’s outskirts, during the last decade in transitional areas between city and countryside, disadvantaged youths have settled in recently built housing projects in which displaced youths from the city centers and the countryside already live. It is a new phenomenon of co-presence of different groups in situation of great economic vulnerability.

In the working-class neighbourhoods of Lyon, with the multiplication of social inequalities, ethnic discrimination, instability of work, young people with little qualifications are massively and violently cast away from the urban labour market or working in precarious, disqualified and dirty work. These young people in situation of social vulnerability develop socialization patterns in grey areas of economic uncertainty between center and fringes of urban employment. They are engaged in discontinuous economic socialization processes, fragmented by forced bifurcations leading either to professional integrations on the labour market or urban disaffiliation. Simultaneously, in these working-class neighbourhoods, young people create invisibilized skills repertoire in spaces of low urban legitimacy (intermediary spaces, associations, ethnic trade/shops). The issue at stake is then of the either partial, almost total, or non-translation of the skills produced in these low-legitimacy urban spaces to spaces of high economic legitimacy which produce a strong social recognition on the urban labour-markets.

Programm JORISS ENS Lyon/ECNU Forced mobilities, urban governance and right to the city Shanghai,Milano, Lyon and Milano (2016-2018)

Members

Description

The question of “forced mobilities” and “right to the City” looks quite new in social sciences but it is a more and more important topic in studies on international migration. Because the figure of migrants in Europe as in China is more and more demultiplied, the forced migrants and refugees’s situations do express what does it mean “to be integrated” or “to be excluded” or stigmatized in different cities. In French, Italian as in Chinese cities –here in Lyon, Milan and Shanghai- more and more population -especially young people- are forced into displacements and mobilities. In Europe, because economic crisis and wars, more and more new migrants converge in big cities and are experiencing processes of integration, exclusion, expulsion. In China, migrants who are facing to urban demolition, dams construction… it means forced displaced populations. In Chinese, Italian and French cities we will consider « communities of destiny » among migrants and refugees who are claiming a « right to the city » ; we will analyze « urban geographies of care » which produce at the same time solidarities and new inequalities, and which translate into new moral urban boundaries. In French, Italian and Chinese cities, urban government produces technologies of governance which articulate moral economies and administrative apparatuses in order to control the forms of inclusion of refugees and new migrants. Bio-political apparatuses can be seen as articulating moral economies of suspicion, contempt, compassion, and hospitality which are embedded in institutions and realized in particular forms of self-government. In the same time, migrants and refugees faced with plural forms of inequalities, violence and expulsions in French, Italian and Chinese cities claim a “right to the city” in different places, and by different means. So collective actions thus emerge and diffract between more or less noisy forms of engagement. So we are confronted with plurivocal groups of migrants and refugees, struggling for public and social recognition.

Programme Triangle/INJEP "Jeunes migrants, "droit à la ville" et compétences urbaines en France et en Italie (2017-2019)

Members

En France et en Italie de jeunes migrants d’Afghanistan, de Syrie, du Maghreb, d’Erythrée, de Chine, de Gambie, du Togo, du Sénégal..., après vécu de grandes épreuves migratoires, arrivent tous les jours à Paris, Lyon, Milan et doivent faire face à des situations de discrimination ethnique, de stigmatisation urbaine et de violence morale. Ils forment des « communautés de destin » capables de produire des formes de mobilisation collective pour prendre place dans les sociétés française et italienne, revendiquer « un droit à la ville ». Si des géographies urbaines du « care » participent à produire simultanément des économies morales de la compassio et, d’hospitalité mais aussi des nouvelles inégalités et hiérarchies sociales, les jeunes migrants développent des économies horizontales et réticulaires, produisent des luttes pour la reconnaissance publique au niveau local et transnational dans les villes européennes. Ces circulations invisibilisées et survisiblisées de jeunes migrants révèlent de nouvelles frontières morales qui naissent de grammaires de l’indécence en contexte globalisé.

2018

2017

2016

2014

Séminaire

Autres manifestations avec le LIA post-western-sociology

2018

Infos sur le site du LIA

[1SAID, E. (2003) : L’orientalisme, Seuil, Paris.

[2CHAKRABARTY, D. (2000) : Provincializing Europe. Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press.

[3BHABHA, H. (2007) : Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot.

[4ROULLEAU-BERGER, L. (2011) : Désoccidentaliser la sociologie. L’Europe au miroir de la Chine, La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube - dir, 2012 : Sociologies et cosmopolitisme méthodologique, PUM, Toulouse