/ Des membres de Triangle participent

Amandine Gautier, Sébastien Gardon et Gwenola Le Naour participent au colloque « La santé à l’épreuve des crises. Temporalités, coalescence, alternatives », organisé par le Cermes3

2 octobre 2019 - 4 octobre 2019, à l’EHESS, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris (amphithéâtre François Furet)

Présentation

Amandine Gautier, docteure en science politique, Sébastien Gardon, chercheur associé à Triangle et Gwenola Le Naour, maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon, présenteront le 4 octobre une communication intitulée :
« Quand la faune sauvage s’invite dans la gestion du sanitaire. Retour sur la « crise » du Bouquetin du Bargy. »

Résumé de l’intervention :

Alors que la France n’avait pas connu de cas de brucellose de ruminants en élevage depuis plus de 10 ans, suite à l’avortement d’une vache dans un cheptel laitier produisant du reblochon fermier au lait cru en Haute-Savoie, un cas bovin à Brucella melitensis biovar est mis en évidence le 4 avril 2012. Quelques mois plus tôt, un cas de brucellose humaine chez un enfant, dont l’origine était restée inconnue avait été détecté dans la région, suivi d’un second cas dans la même famille chez un jeune homme. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (Anses) met en évidence la similarité des souches bactériennes chez les patients et la vache avortée. Parallèlement à l’infection de l’élevage bovin, les investigations menées dans la faune sauvage permettent d’identifier la présence de brucellose dans une population de bouquetins, celle occupant le massif du Bargy. La brucellose est à la fois une zoonose grave pour l’homme à déclaration obligatoire et une maladie contagieuse pour les animaux d’élevage ayant un impact économique important du fait de pertes de production et d’entraves aux échanges commerciaux. La brucellose se propage généralement au moment de la reproduction et lors de l’avortement ou de la mise bas.

Cette communication propose de scruter cette « crise » à faible impact sanitaire, à partir d’un matériau riche de 50 entretiens et de nombreuses observations tout au long de cette crise jusqu’à aujourd’hui. Le réservoir sauvage est jusque-là passé inaperçu faute d’une surveillance inexistante. Le sujet de la surveillance sanitaire est peu abordé en sciences sociales, même si les crises de la vache folle ou la grippe Aviaire en Asie ont fait évoluer les dispositifs de surveillance et ont été à l’origine de recherches prêtant attention aux instruments de gestion des risques des maladies pour comprendre les dispositifs de connaissance et de surveillance [1]. Comment expliquer les lacunes de la surveillance ? Comment gérer cette crise impliquant une espèce sauvage protégée ? De la destruction de tous les bouquetins, espèce protégée par la convention de Berne, soutenue par le monde agricole à sa défense, en passant par la préservation du patrimoine local animalier emblématique de la haute montagne et participant à l’économie savoyarde, les positions se campent très rapidement. Le lendemain de la signature de l’arrêté autorisant l’abattage des bouquetins en octobre 2013, une opération éclair est menée : 197 bouquetins sont abattus en trois journées. Les captures sont difficiles pour les agents de l’ONCFS qui en ont la charge et qui subissent les pressions extérieures. Finalement, la politique d’abattage partiel des animaux de 5 ans et plus n’a pas conduit à une amélioration de la situation sanitaire au vu des résultats de la surveillance sanitaire pour l’année 2014 qui montre une stagnation de la maladie chez les animaux de 6 ans et plus mais une plus large contamination des animaux de moins de 6 ans. L’abattage des animaux de 5 ans et plus est accusé d’avoir modifié l’organisation sociale de la population de bouquetins et d’avoir contribué à la contamination des jeunes animaux par leur entrée dans la reproduction.

Après quelques années et de très nombreux avis de l’ANSES, la crise du Bargy s’inscrit désormais dans la rhétorique des acteurs œuvrant à la reconnaissance des données écologiques dans la gestion sanitaire. Ecologues, vétérinaires et gestionnaires du Ministère chargé de l’écologie ont fait de cette crise l’exemple emblématique de la faillite de la gestion sanitaire, assimilée à l’élevage, par le ministère chargé de l’agriculture. La critique de la gestion de cette crise pose la question de la légitimité de ces nouveaux acteurs dans la gestion sanitaire, et plus généralement de la manière dont les crises impliquant la faune sauvage sont amenées à faire l’objet d’une gestion négociée.

En savoir + sur ce colloque

[1Barbier Marc, « Surveiller pour abattre » La mise en dispositif de la surveillance épidémiologique et de la police sanitaire de l’ESB (enquête), Terrains & travaux, 2006/2 n° 11, p. 101-121 ; Torny Didier, La traçabilité comme technique de gouvernement des hommes et des choses, Politix. Vol. 11, N°44. Quatrième trimestre 1998. pp. 51-75. Doré Antoine, « L’exercice des biopolitiques » Conditions matérielles et ontologiques de la gestion gouvernementale d’une population animale, Revue d’anthropologie des connaissances, 2013/4 Vol. 7, n° 4, p. 837-855 ; Prete Giovanni, Surveiller en éradiquant : l’importance des « médiateurs de la surveillance » et des réseaux informels dans la surveillance des risques sanitaires et environnementaux, Sociologie du travail 50 (2008) 489–504

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