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Colloque international : L’Islam et l’Occident à l’époque médiévale. Transmission et diffusion des savoirs

11 mars 2009, 12 et 13 mars 2009, ENS LSH, salle F106
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Plaquette du programme : à télécharger ici.

Site du Colloque : http://islam-occident.ens-lsh.fr/.

Colloque organisé par Makram Abbès et Pascale Barthélémy.


Présentation

Les 11, 12 et 13 mars 2009, les laboratoires Triangle. Action, discours, pensée politique et économique (UMR 5206), CERPHI (UMR 537) et CIHAM (UMR 5648) organisent un colloque international à l’ENS-LSH conçu comme un moment de débat scientifique et d’échanges sur les enjeux sociaux de l’écriture de l’histoire, dès lors que l’on traite du monde arabo-musulman, de ses rapports avec les sociétés occidentales et, plus particulièrement, de la transmission des savoirs entre les deux mondes au Moyen Âge. Dans le cadre de ce colloque, nous souhaitons discuter des questions suivantes :

La philosophie dans le monde arabo-musulman au Moyen Âge
Dans son livre l’Obtention du bonheur, al-Fârâbî (Xe siècle) présente la philosophie qui est d’après lui "la science suprême" et "la science la plus ancienne" comme le produit des Chaldéens (peuples d’Irak) transmis aux Egyptiens, puis aux Grecs, ensuite aux Syriaques, enfin aux Arabes. Cette présentation insiste sur la pérégrination des savoirs antiques dans différentes ères géographiques et linguistiques et sur leur appropriation par la culture arabo-musulmane à un moment donné de l’histoire. Certains affirment, toutefois, que la « falsafa ne coïncide pas totalement avec notre "philosophie" » (Rémi Brague, Au moyen du Moyen Âge, p. 238), et pensent que le travail des philosophes arabes serait dépourvu de ce qui caractérise celui des Grecs : la recherche libre du savoir. D’autres estiment que l’ère géographique dominée par la culture arabo-musulmane pendant le Moyen Âge serait restée faiblement hellénisée, donc étrangère aux dynamiques intellectuelles et scientifiques qui ont animé leurs prédécesseurs grecs. Al-Fârâbî était-il donc en droit de revendiquer l’appropriation des savoirs antiques ? Par ailleurs, les connaissances produites en terre d’islam en fait de sciences et de philosophies ont-elles été foncièrement différentes de ce qui est né en Grèce et de qui sera élaboré en Occident au Moyen Âge et plus tard ? Les spécialistes de la philosophie arabe du Moyen Âge sont invités à débattre de la nature et de l’ampleur des productions scientifiques et philosophiques qui ont eu lieu en terre d’islam à cette époque.

La transmission des savoirs du monde arabo-musulman à l’Occident
La deuxième question est celle de la transmission des savoirs grecs à l’Occident au Moyen Âge. Quels ont été les traducteurs et les passeurs de ces savoirs au monde latin ? Les arabo-musulmans ont-ils joué uniquement le rôle de relais ou bien ont-ils transformé le contenu et les données épistémologiques relatives à certaines branches du savoir ? Par ailleurs, les textes scientifiques et philosophiques arabes ont-ils joué un rôle dans l’essor culturel de l’Europe au Moyen Âge ? Leur influence a-t-elle été limitée, passagère et circonscrite dans le temps et l’espace ou a-t-elle contribué à modifier les méthodes d’approche des savoirs ? Ces questions somme toute classiques feront l’objet d’une mise au point scientifique à la lumière des travaux récents publiés sur le sujet.

Traduction, langage et pensée philosophiques
La transmission des textes pose bien évidemment des problèmes cruciaux de traduction. Sur cette question, et dans la lignée des auteurs du XIXe siècle, des chercheurs écrivent aujourd’hui que les langues sont inégalement capables d’absorber puis de véhiculer la philosophie et la pensée scientifique. Cela impliquerait que certains peuples et nations seraient, du fait même de leurs systèmes linguistiques, réfractaires à la réception de la science. Ainsi, parce qu’elle serait essentiellement poétique ou de nature « religieuse » (S. Gouguenheim, Aristote au Mont Saint Michel, p. 136), la langue arabe serait incapable d’être le véhicule de notions abstraites et de raisonnements élaborés. Les intervenants sont invités à débattre des rapports entre langue et pensée et des différentes formes d’expression des savoirs scientifiques.

L’historien, la demande sociale et la diffusion des savoirs
Pour de multiples raisons, liées au contexte international comme à la réalité sociologique de la société française, les questions traitées dans les trois premiers axes pour le Moyen Age ont des implications contemporaines. Sur les relations culturelles entre le monde arabo-musulman et l’Occident, la production et la diffusion des connaissances, leur vulgarisation, leur inscription dans les manuels scolaires constituent un enjeu fort pour les historiens de métier. Nous voudrions promouvoir dans le cadre de ce colloque un « détour réflexif » sur le métier d’historien (IHTP) et un débat collectif sur les liens entre recherche scientifique, diffusion des travaux de spécialistes dans l’enseignement secondaire et supérieur et transmission au plus grand public (aussi par le biais des différents medias), dès lors que l’on travaille sur des questions « sensibles ».

Grammaire ou choc des civilisations
Et, de fait, le succès public du livre de Samuel Huntington, The Clash of Civilization and the Remaking of World Order (traduction française chez Odile Jacob en 1997) a fortement pesé et pèse toujours dans le champ des études sur l’Islam et l’Occident. Cette grille de lecture repose sur une volonté de comparaison entre les civilisations définies principalement par certaines de leurs caractéristiques culturelles, en particulier religieuses. Les insuffisances de cette approche ont été à plusieurs reprises critiquées mais la thèse continue de séduire ceux qui manient aussi volontiers les concepts « d’identité », de « traditions » et de « racines » culturelles, invoqués afin d’analyser l’inégale prédisposition des civilisations à s’acheminer vers le « progrès » identifié à l’Occident. On s’interrogera sur ces notions, sur les difficultés posées par la quête des « origines », sur l’environnement intellectuel, politique et pour tout dire idéologique qui sous-tend ces travaux. Il en va là encore du métier d’historien et des relations que celui-ci entretient avec le monde contemporain.

Programme

Mercredi 11 mars

  • 9h Accueil des participants
  • 9h15 Ouverture : Marina MESTRE (Directrice des études, ENS LSH) et Makram ABBES (Maître de Conférences en littérature et civilisation arabes, ENS LSH)

Matin : La philosophie dans le monde arabo-musulman au Moyen-Age

Président : Ali BENMAKHLOUF (Professeur de philosophie, Université de Nice)

  • 9h30-10h10 Dimitri GUTAS (Professeur de littérature et de civilisation arabes et gréco-arabes, Yale University) : « La question de l’hellénisation du Proche-Orient à l’époque médiévale »
  • 10h10-10h50 Ahmed DJEBBAR (Professeur d’histoire des mathématiques, Université de Lille I) : « Les sciences "exactes" produites en pays d’Islam et leur circulation en Europe, à partir de la fin du XIe siècle »
  • 10h50-11h30 Jules JANSSENS (Centre de Wulf Mansion, Louvain) : « Avicenne et son emprise sur la pensée postérieure, tant en terre d’Islam qu’en Occident »
  • 11h30-12h30 Débat

Après-midi : Traduction, langage et pensée philosophique

Président : Jean-Claude ZANCARINI (Professeur de littérature et de civilisation italiennes, ENS LSH)

  • 14h-14h40 Ali BENMAKHLOUF (Professeur de philosophie, Université de Nice) : « La logique d’Aristote et le modèle démonstratif chez les philosophes arabes classiques »
  • 14h40-15h20 Abdelali EL AMRANI-JAMAL (CNRS, Paris) : « Langue arabe et logique grecque »
  • 15h20-15h40 Pause
  • 15h40-16h20 Hélène BELLOSTA (CNRS, Paris) : « Traduire et lire un texte scientifique »
  • 16h20-17h Pierre-François MOREAU (Professeur de philosophie, ENS LSH) : « En quel sens peut-on parler des racines d’une culture ? »
  • 17h-18h Débat

Jeudi 12 mars

Matin : La transmission des savoirs du monde arabo-musulman à l’Occident

Président : Makram ABBES (Maître de Conférences en littérature et civilisation arabes, ENS LSH)

  • 9h30-10h10 Laurent GERBIER (Maître de Conférences en philosophie, Université François Rabelais de Tours) : « Lire Aristote dans le texte de Platon. Averroès et la mutation de la médecine politique »
  • 10h10-10h50 Didier OTTAVIANI (Maître de Conférences en philosophie, ENS LSH) : « Astronomie et médecine chez les penseurs latins de la fin du XIIIe siècle »
  • 10h50-11h30 Michel SENELLART (Professeur de philosophie, ENS LSH) : « Ramon Lull, "arabicus christianus" ; des armes matérielles aux armes intellectuelles »
  • 11h30-12h30 Débat

Après-midi : Grammaire ou choc des civilisations ?

Présidente : Pascale BARTHELEMY (Maitresse de Conférences en histoire contemporaine, ENS LSH)

  • 14h -14h40 Abdesselam CHEDDADI (Professeur-chercheur à l’Institut Universitaire de la Recherche Scientifique, Université Mohammed V, Rabat) : « Les sciences historiques dans la culture arabo-musulmane : héritage antique et élaborations nouvelles »
  • 14h40 -15h20 Julien LOISEAU (Maître de conférences en histoire médiévale, Université de Montpellier III) : « L’Islam médiéval ou le miroir aux identités. Remarques sur une civilisation de la bigarrure »
  • 15h20-15h40 Pause
  • 15h40 -16h20 Daniel RIVET (Professeur émérite d’histoire contemporaine, Université Paris I) : « Du clash des civilisations au choc des incultures : comment en est-on arrivé là ? »
  • 16h20-17h Blaise DUFAL (Doctorant en histoire, EHESS – Maison française d’Oxford) : « Historiographie d’une évidence : la civilisation occidentale »
  • 17-18h Débat

Vendredi 13 mars

Matin : L’historien, la demande sociale et la diffusion des savoirs

Président : Daniel RIVET (Professeur émérite d’histoire contemporaine, Université Paris I)

  • 9h30-10h10 Sylvain PIRON (Maître de Conférences, EHESS) : « Histoire, mémoire, identités »
  • 10h10-10h50 Annliese NEF (Maître de Conférence en histoire médiévale, Université Paris IV) : « L’enseignement de l’histoire de l’Islam médiéval en France »
  • 10h50 -12h Tzvetan TODOROV (Directeur de recherche, CNRS, Paris) : « Autour de son livre La peur des barbares »
  • 12h-13h Débat
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