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10e Congrès de l’Association Française de Sociologie (AFS) : « Intersections, circulations »

4 juillet 2023, à l’Université Lumière Lyon 2, campus Berges du Rhône

Argumentaire

Les individus, les idées, les savoirs, les biens ou encore les virus circulent largement, à l’intersection de plusieurs espaces et rapports sociaux. Ces circulations sont parfois souhaitées ou recherchées, donnant lieu à des échanges, des hybridations, des appropriations. Elles sont aussi contestées, en raison de leurs conséquences sur l’environnement, la santé ou au nom d’un risque, d’un danger ou d’une idéologie. Les conflits, les guerres, les politiques migratoires nous rappellent le poids des frontières et de leurs effets matériels et symboliques. Ces différents constats invitent les sociologues à penser les circulations et les intersections, et posent des questions très concrètes. Comment les travailler, les caractériser, les documenter et les analyser en sociologue ? De quelle façon identifier l’importance de ces phénomènes, leurs transgressions et leurs transformations ? Ce sont là quelques interrogations que nous aborderons lors du Congrès de l’Association française de sociologie organisé à Lyon en 2023 avec le Centre Max Weber et le laboratoire Triangle. Nous soulignerons les enjeux théoriques de ces problématiques, la diversité des situations observées ainsi que les tensions que ces catégories font apparaître.
 

  1. Circulez, il y a beaucoup à voir !
    La thématique générale du Congrès invite à une analyse des circulations, de leurs organisations, de leurs acteurs et actrices, de leurs régulateurs, de leurs normes et de leurs valeurs. Comment s’organisent les mouvements de personnes dans un monde où les questions de frontières, de migrations, de liberté de circulation sont particulièrement discutées ? Plus largement, il s’agira de s’interroger sur les parcours des individus dans l’espace social, sur les frontières et les différentes manières de franchir, sans exhaustivité, les catégories d’âge, de sexe, de sexualité, de santé, les positions dans les rapports de classe, ethnoraciaux, ou encore de validité. Quelles analyses proposer des ajustements, des conversions, des traversées, ou au contraire des immobilités ? On a pu observer ces dernières années à la fois l’augmentation de flux de personnes, de marchandises ou d’informations, mais aussi leurs restrictions, voire leurs confinements dans des espaces précis. Cela a occasionné des débats qui concernent non seulement les échanges internationaux (comme, récemment, à l’occasion des “crises” migratoires, des controverses quant à la diffusion de vaccins ou de la parution de rapports sur le réchauffement climatique), mais aussi plus locaux (par exemple en France sur l’accès aux services publics dans les zones rurales). Comment s’agencent concrètement ces mouvements de personnes et ces diffusions de biens matériels et immatériels ? Quelles tensions observe-t-on ? Comment aussi penser l’absence de circulation, l’immobilité, le conservatisme vis-à-vis de ces mouvements ? Et quelle place doit-on donner dans l’analyse à ceux et à celles qui sont aux marges de leur catégorie ?
     
  2. Circulations d’idées et intersections des rapports sociaux
    Les circulations et leurs intersections peuvent s’appréhender à partir des catégories de pensée. Celles de la science, et en particulier la sociologie, mais aussi d’autres acteurs et actrices du monde social. Quelles sont les conditions sociales à la circulation des idées, des normes et des valeurs entre aires géographiques, au sein des espaces sociaux et dans le temps ? Par quels canaux, agents et institutions ? Comment sont-elles appropriées, réceptionnées, rejetées ? Quelles sont les tensions entre des approches qui se présentent comme situées et d’autres qui se revendiquent comme universelles ? Il s’agira également de s’interroger sur les croisements opérés par le monde social et les intersections qui en découlent. Cela peut se décliner en saisissant et enquêtant les entre- croisements et renforcements de plusieurs formes de dominations, d’inégalités sociales, de discriminations, de ressources et de capitaux. Ces dernières années, les pensées du social qui appréhendent les intersections ont beaucoup circulé et ont suscité des polémiques dans le champ politique, ainsi qu’en sciences sociales. Tout en soulignant les apports de ces analyses critiques, comment concevoir les résistances à l’intersectionnalité, mais aussi sa circulation et son appropriation ? Quelles sont les conséquences de l’absence de prise en compte de ces formes d’inégalités ? Quelles sont les conditions de possibilité de la circulation de la parole des groupes minoritaires ?
     
  3. La sociologie : dialogues et spécificités disciplinaires
    Le congrès sera l’occasion d’interroger les liens et échanges entre la sociologie et les autres disciplines. Face aux injonctions à la pluridisciplinarité ou à l’interdisciplinarité, quelles sont les modalités d’un véritable dialogue, tant au niveau de la recherche que de l’enseignement ? Quelle place est donnée aux sociologues ? Quelles compétences revendiquer ? Comment maintenir et valoriser les spécificités théoriques et épistémologiques des disciplines en général, et de la sociologie en particulier ? Sur un autre plan, la sociologie française se voit régulièrement accusée d’être peu intégrée dans les échanges internationaux. Qu’en est-il réellement ? Comment et pourquoi améliorer les choses ? Les données, concepts et diplômé-e-s de la sociologie circulent dans différents espaces qu’ils soient associatifs, administratifs, économiques, médiatiques ou encore militants. Ces circulations sont à l’intersection de plusieurs registres d’action : dans certains cas une demande sociale d’expertise ; dans d’autres, une volonté de diffusion de la sociologie au plus grand nombre ; ou encore des injonctions de financeurs ou de tutelles. Dans quelles conditions ces circulations se déploient-elles ? Quels en sont les bénéfices et les coûts, à la fois pour la discipline, ses travailleurs et travailleuses, mais aussi pour les autres mondes sociaux ? Comment se popularisent les concepts, les analyses et les techniques du sociologue, en dehors de la sociologie ? Cette interrogation est d’autant plus importante dans un contexte de raréfaction des postes dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR). Quelle place la sociologie fait-elle réellement aux sociologues qui sont à l’intersection entre différents mondes sociaux ? Quelle place accorde vraiment la sociologie aux minorités, avec quels effets sur la production de connaissances ? Plus globalement, quel est l’avenir pour ses précaires, sans postes et non titulaires ? Comment penser le métier de sociologue en dehors de l’ESR ?

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Programme

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avec notamment la conférence semi-plénière :

1.3 Les espaces sociaux du militantisme : circulations, intersections et multipositionnalité
5 juillet, 14h30-16h30
Lieu : Amphi Aubrac (Bât. DEMETER)

En France et ailleurs, les années 2010-2020 ont été synonymes de mobilisations collectives nombreuses, saisissables d’abord par les causes (ré)investies, pouvant se trouver opposées : mobilisations en faveur des minorités raciales et de genre ; écologistes, environnementales et animalistes ; liées à la dégradation du travail, de l’État social et du niveau de vie ; ou, au contraire, luttant contre le mariage entre personnes de même sexe, le droit à l’avortement, les vaccins ; défendant la blanchité, une masculinité hégémonique et des identités nationales fantasmées ; sans oublier celles plus feutrées de dominantes économiques visant à assurer leurs positions sociales. On peut faire aisément l’hypothèse que ces mobilisations ont été synonymes, au moins partiellement, d’une évolution des propriétés sociales des militant-es, de même que des modes d’action. Plus encore, elles semblent inséparables de transformations de la morphologie de ou des espaces sociaux militants, qu’il s’agisse des systèmes de positions et de prises de positions en leur sein et des frontières et donc de circulations et intersections qui les délimitent d’autres espaces sociaux plus ou moins autonomes. C’est précisément à cette dimension relationnelle et structurale du militantisme que cette semi-plénière entend se consacrer.
En effet, l’actualité des mobilisations est redoublée de débats scientifiques importants sur cette thématique. En 2021, Social Movement Studies, l’une des revues internationales les plus reconnues dans l’étude des mouvements sociaux et du militantisme, publiait un numéro spécial intitulé "Conceptualizing the Context of Collective Action : Field, Space, Arena", réunissant et faisant dialoguer les uns avec les autres des cadres conceptuels qui proposent d’analyser les formes de l’action collective, les relations et intersections entre espaces militants et autres espaces sociaux, les positions qu’occupent les acteurs et actrices dans ces espaces, les enjeux et les logiques qui les structurent. En écho à ces débats théoriques, en France, plusieurs concepts sont régulièrement mobilisés pour penser les liens entre différents espaces de pratiques militantes, comme ceux d’espace des mouvements sociaux, d’espace de la cause des femmes, d’espace de la cause des étrangers, de champ militant, de champ syndical, ou encore de monde associatif. Ces sphères sociales différenciées sont notamment structurées par des organisations qui coopèrent plus ou moins, selon des modalités diverses, peuvent être en concurrence et en opposition. Par ailleurs, la notion de "multipositionnalité", élaborée par Luc Boltanski dans un article devenu classique, a été mobilisée par de nombreux chercheurs et chercheuses pour rendre compte des phénomènes de cumul de positions dans plusieurs espaces distincts et saisir la porosité ou au contraire l’imperméabilité des frontières les séparant. La multipositionnalité des individus est l’un des éléments de structuration des espaces ou des champs, mais aussi un phénomène par lequel des formes de porosité et d’hétéronomie existent entre les sphères sociales. Enfin, l’ouvrage Microcosmes, paru au début de l’année 2022, regroupe de nombreux textes de Pierre Bourdieu élaborant sa théorie des champs et dresse un état des lieux des débats autour de ce concept incontournable, que des chercheurs.ses spécialisé-es sur le militantisme ont amendé pour rendre compte de la malléabilité et des fortes porosités des sphères militantes (cf. supra).
À l’aune de cette actualité sociale et scientifique, l’ambition de cette semi-plénière est de rassembler des chercheurs et chercheuses dont les travaux s’attachent à saisir les sphères sociales structurant les pratiques militantes, les mobilisations, les engagements et les constructions de causes et les relations qu’elles entretiennent entre elles. Il ne s’agira pas seulement de susciter un débat strictement théorique, mais également de nourrir une réflexion méthodologique sur les usages des concepts existants, leurs limites et leurs angles morts, ainsi que leur place dans la construction de l’objet, à partir des terrains de recherche des intervenant-es. On s’intéressera plus particulièrement à l’articulation entre associations, syndicats et partis politiques, ce qui invitera à tenir compte des formes organisationnelles dans leur historicité, des pratiques et représentations qui s’y sont sédimentées, sans limiter les interrogations empiriques à la France.

Organisation : RT18, RT34 et RT35

Intervenant-es : Sophie Béroud (U. Lyon 2, Triangle), Yoletty Bracho (U. Lyon 2, Triangle), Clémentine Comer (U. Paris-Dauphine, IRISSO) et Maxime Quijoux (CNRS, Lise).

Animation : Clément Petitjean (U. Paris 1, CRIDUP), Sophie Rétif (U. de Nanterre, IDHES)

Équipe d’organisation

  • AFS
  • Triangle
  • CMW
  • Université Lumière Lyon 2
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