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Triangle en lutte contre le projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) et le projet de réforme des retraites : Motion de l’AG extraordinaire du laboratoire Triangle, réunie à l’ENS de Lyon, le 14 janvier 2020

Pour information la motion votée en AG extraordinaire du laboratoire Triangle :

TRIANGLE EN LUTTE !

Motion de l’Assemblée générale du laboratoire Triangle, réunie à l’ENS de Lyon, Lyon, le 14 janvier 2020.

Nous, membres du laboratoire Triangle, réunis en Assemblée générale extraordinaire le 14 janvier 2020 à l’ENS de Lyon, affirmons notre opposition au programme concerté de destruction de nos conditions d’emploi, de travail et de vie par les contre-réformes voulues par le gouvernement Philippe, en particulier le projet de réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).

La précarité structurelle et la dégradation des conditions de travail affectent d’ores et déjà l’ensemble du monde universitaire. Titulaires en surcharge de travail permanente, précaires assurant une part croissante de l’enseignement et du travail administratif, jeunes chercheur.se.s alternant entre contrats ponctuels et périodes de chômage pour produire des recherches, étudiant.e.s en voie de paupérisation. Le recours aux vacations se fait parfois hors de tout cadre légal. Les éléments de démocratie universitaire comme le Conseil National des Universités et le Comité national du CNRS sont progressivement dépouillés de leurs prérogatives.

Loin de proposer un plan massif de recrutement et la pérennisation des crédits de recherche, les premières annonces d’Emmanuel Macron à l’occasion des 80 ans du CNRS et les propositions contenues dans les rapports préparatoires à la LPPR de 2020 annoncent au contraire plus de mandarinat, plus de précarité, plus d’inégalités entre les établissements et les personnels ainsi que des conditions moins favorables à la réalisation de nos recherches.

Les rapports préparatoires à la LPPR prévoient ainsi pour les enseignant-e-s et chercheu.se.s :

  • la modulation de service obligatoire en fonction des besoins de chaque UFR
  • le non-paiement des heures complémentaires,
  • l’évaluation des services d’enseignement en crédits ECTS (European Credits Transfer System) et non plus en volume horaire (fin des 192h de service),
  • l’introduction de la possibilité de recruter sans la qualification par le CNU,
  • l’instauration d’un système de régulation collectif des charges d’enseignement au niveau de la composante (UFR, faculté, département) en y intégrant les laboratoires (les « excellents » en recherche ayant moins de charges d’enseignement au détriment des « moins excellents »),
  • la précarisation accrue des acteurs de la recherche avec le recrutement de personnels via des CDI-chantier (un CDI prenant fin avec le financement du projet de recherche) et des titularisations encore plus rares et tardives (« tenure track »),
  • le renforcement de la logique managériale dans l’ESR : multiplication des primes variables,
  • primat de la logique d’appels à projets comme mode de financement de la recherche,
  • augmentation de la concurrence entre unités de recherche avec des dotations aux laboratoires en fonction de l’évaluation HCERES.

Ce projet de réforme s’inscrit dans la lignée directe des transformations néolibérales de l’ESR amorcées par la Loi de responsabilité des Universités (LRU) de 2007, poursuivie par la loi Fioraso de l’enseignement supérieur et de la recherche de 2013, la loi ORE (2018) et, plus récemment, par la Loi de transformation de la fonction publique (2019). Il ne s’agit rien de moins que du plus grand plan social déguisé de l’histoire de l’ESR !

Au-delà de la LPPR, la logique néolibérale qui préside à ces politiques est non seulement la même que celle de la contre-réforme des retraites ou encore celle de l’assurance chômage, mais leurs effets délétères se conjuguent.

À titre d’exemples :

Dans un secteur où l’entrée en poste se fait entre 30 et 35 ans au minimum, avec des carrières en pointillés avant cette tranche d’âge, la réforme des retraites va directement nous impacter en nous faisant perdre a minima plusieurs centaines d’euros par mois environ à l’âge de la retraite.

Dans un secteur où de nombreux précaires pâtissent de carrières hachées, la réforme de l’assurance-chômage va rendre encore plus difficiles les conditions de vie de nombreux.ses travailleurs et travailleuses de l’ESR.

Ces transformations de l’ESR, conjuguées à la sélection des étudiant.e.s que permet Parcoursup, à la réforme des lycées et du baccalauréat, au nouveau dispositif indemnitaire de référence RIFSEEP qui a déclassé une grande part des personnels d’accompagnement de la recherche, aux réformes de la formation des enseignant.e.s et à l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant.e.s étranger.e.s, vont avoir des conséquences dramatiques pour les enseignant.e.s et chercheur.se.s mais aussi pour les étudiant.e.s. Elles remettraient gravement en cause l’accès de tou.te.s à des études gratuites de qualité. Aussi, nous affirmons notre soutien plein et entier aux mouvements étudiants qui s’organisent contre les conditions de vie précaires qu’elles et ils subissent et appelons à ne pas sanctionner celles et ceux qui se mobilisent. L’immolation d’un de nos étudiants de Lyon 2 a rendu visible dans les médias au prix d’une vie que la précarité et la pauvreté tuent.

Revendications

L’Assemblée générale de Triangle a adopté les revendications suivantes :

  • Retrait du projet de réforme des retraites ;
  • Retrait de Parcoursup, de la réforme des lycées et du baccalauréat et des réformes de la formation des enseignant.e.s ;
  • Pour une université gratuite et accessible à tou.te.s et une recherche scientifique publique au
  • service de tou.te.s ;
  • Pour des mesures efficaces de lutte contre la pauvreté et la précarité étudiantes (revalorisation des bourses, création de logements étudiants salubres et à faible loyer, amélioration de l’accès à la médecine universitaire) ;
  • Contre la casse du statut de fonctionnaire (refus des CDI-chantier, des tenure track qui ouvrent la voie à la remise en cause des statuts de MCF et de CR, de la dérégulation des carrières et de la modulation des services des enseignant.e.s-chercheur.se.s) ;
  • Pour la revalorisation du point d’indice de l’ensemble des titulaires de l’ESR (Ingénieur.e.s, personnels administratifs, enseignant.e.s, chercheu.se.s, etc.) ;
  • Pour la fin de la cotation des postes et la suppression du RIFSEEP ;
  • Pour le respect du temps de travail légal des personnels de l’ESR, ce qui implique de mettre fin à l’accumulation et au morcellement des tâches ;
  • Pour la mise en place de moyens effectifs de lutte contre toutes les discriminations dans l’ESR qui s’appuient sur et qui renforcent les situations de précarité et les inégalités entre personnels ;
  • Pour une véritable démocratie universitaire, contre l’augmentation du pouvoir gestionnaire des directions des universités et des établissements de recherche (refus du contournement des instances nationales d’évaluation par les pairs – CNU, Comité national du CNRS) ;
  • Pour la suppression de l’ANR, de l’HCERES et des autres outils de management néolibéral de l’Université et de la recherche ;
  • Pour la titularisation des précaires et pour un plan de recrutement massif de titulaires à la hauteur de l’augmentation du nombre d’étudiant.e.s et des besoins publics de recherche ;
  • Pour un audit public sur l’état de la précarité dans les Universités et les organismes de recherche, et pour un recensement dans les bilans sociaux des établissements du nombre et du poids des contractuel.le.s, des vacataires et des sous-traitants ;
  • Pour la mensualisation des paiements des vacations, le respect du droit du travail (comme l’obligation de signature d’un contrat de travail avant la prise de fonction, et de remise de fiches de paie mensuelles), une revalorisation des vacations au moins au SMIC et une exonération des frais d’inscription pour les vacataires ;
  • Fin du travail gratuit et rémunération de toutes les activités invisibles effectuées par les nontitulaires : surveillances d’examens et correction de copies, heures supplémentaires non payées, vacations et activités de recherche non rémunérées, recours abusif aux stages, etc. ;
  • Pour la création d’un véritable statut national harmonisé de post-doctorant.e ;
  • Transparence dans l’attribution des financements de thèse, des postes d’ATER et des contrats post-doctoraux, et dans les procédures de qualification et de recrutement des enseignant.e.s-chercheur.e.s : publication des rapports des comités de sélection et motivation individualisée des refus ;
  • Pour une politique harmonisée à l’échelle nationale d’allongement de la durée de rattachement des nouveaux et nouvelles docteur.e.s à leur laboratoire, avec accès aux locaux et aux financements au même titre que les titulaires ;
  • Abrogation des critères de nationalité dans l’accès aux postes et financements, et attribution d’un titre de séjour de « travailleur.e » aux doctorant.e.s et docteur.e.s étranger.e.s, afin qu’elles et ils puissent bénéficier des allocations-chômage dues à l’issue de leur contrat de travail ;
  • Pour la réintégration des services externalisés au sein de l’ESR (entretien, sécurité, restauration, accueil, services sociaux et de santé, informatique, etc.).

Actions

L’Assemblée Générale appelle dès à présent les collègues à :

  • Pratiquer la grève de la recherche : annuler, reporter ou transformer les séminaires, colloques et journées d’étude, suspendre le travail d’expertise et d’évaluation, etc.
  • Mandater des représentant.e.s du laboratoire pour participer aux états généraux de l’ESR
  • Organiser une démission collective de leurs charges administratives
  • Organiser un refus collectif de l’évaluation HCERES qui aura lieu prochainement pour les unités du site lyonnais ;
  • Interpeller les collègues qui participent aux dispositifs d’évaluation comme l’HCERES pour demander leur démission et rendre publique leur position ;
  • Organiser des actions dans les différentes instances de l’ESR, interpeller les responsables de nos tutelles, etc. ;
  • Se déclarer mobilisé.e.s dans leurs signatures électroniques et/ou réponses automatiques d’absence (selon la suggestion ci-après) : « J’accuse réception de votre message. Étant mobilisé.e contre le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche et contre le projet de réforme des retraites, j’ai strictement réduit mes activités de recherche et ne suis pas en mesure de vous répondre dans l’immédiat » ;
  • Relayer à l’échelle des composantes et du site lyonnais la mobilisation sous la forme de différentes actions (réunions d’information auprès des étudiant.e.s, grève des enseignements en les remplaçant par des débats, informations et discussions sur les réformes en cours, etc.) ;
  • Participer aux caisses de grèves, aux AG interprofessionnelles et intersyndicales et aux manifestations des semaines à venir contre la réforme des retraites en constituant des cortèges de l’Enseignement supérieur et de la recherche en lutte ;
  • Intervenir dans l’espace public pour faire connaître nos positions et relayer les informations (médias, réseaux sociaux, conférences, universités populaires, etc.) ;
  • Interpeller les élu.e.s et les candidat.e.s aux prochaines élections en adressant un courrier type demandant le retrait de ces contre-réformes et de se positionner publiquement sur celles-ci.
  • Texte adopté par l’AG du laboratoire Triangle à l’unanimité des présent.e.s.