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Les démarches expérimentales (et innovantes) dans l’ingénierie territoriale (Recherche DOIT) (Séminaire de l’axe études urbaines)

8 décembre 2016, 9h15 – 17h45, à l’ENS de Lyon / Institut Français de l’Education

Présentation

L’ingénierie territoriale s’est historiquement fondée sur des savoirs techniques dont elle assurait l’organisation socio-professionnelle (Piveteau, 2011). Cette organisation est à ce jour embarquée, comme bien d’autres domaines de compétences, dans une somme de changements liés aux crises, à l’évolution concomitante de la régulation territoriale ou encore au foisonnement d’initiatives sociales et écologiques. Ceci conduit notamment au retour remarqué des prospectives territoriales ou, dans une moindre mesure, des réflexions, évènements et écrits sur les utopies urbaines.
Ces évolutions participent surtout de questionnements renouvelés, par exemple des catégories héritées de l’aménagement qui sont encore largement dichotomiques dans leur réalisation et, ce faisant, des principes de l’action (Beaucire et Desjardins, 2015), qu’il s’agisse : des catégories de notion (urbain/rural, ville/campagne, sub/périurbain, centralité/périphérie…) mais surtout des thèmes (ex : santé et bien-être), des démarches (ex : dialogiques) et des outils (ex : représentations), voire des modalités de l’agir territorial (périmètres d’intervention, approche multiscalaire, démocratisation…).
Or, ce questionnement des repères de la pensée et de l’action opère pour beaucoup de l’intérieur même des métiers (Viala, 2014), par un renouvellement des pratiques dont témoigne depuis plusieurs années la multiplication d’études d’observation et d’analyse se voulant « expérimentales » et/ou « exploratoires », « innovantes » et/ou « créatives ». Si parfois la nouveauté se révèle relative - car déjà exploitées dans d’autres domaines de métiers (ex : du développement social) ou expérimentées dans d’autres situations territoriales, voire ré-émergentes d’anciennes lectures sociales de l’urbain (ex : néo-ruralisme) – ces études coïncident avec quelques changements structurels :

  • dans les demandes sociales (sociabilités et espaces publics, santé et bien-être, paysages et identités, modes de vie et transition écologique…),
  • dans les cadres de l’action publique (compressions budgétaires et commandes d’études, injonctions participatives et urbanisme « inclusif »…)
  • ainsi que dans les enjeux plus particuliers aux besoins professionnels (évolution des référentiels de l’action, valeurs de métiers…).

Le laboratoire Triangle (UMR 5206) a engagé, à la fin de l’année 2015, une recherche pour le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET), en partenariat avec la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU) et la Fédération Nationale des Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (FNCAUE). Cette recherche vise à identifier et à valoriser de tels mouvements dans le domaine des études de l’ingénierie territoriale.
Considérant que cette ingénierie accompagne historiquement l’évolution des cadres d’action sur les territoires (Lenormand, 2011), comme en atteste le passage de l’ingénierie de territoire (centralisée, d’origine étatique) à l’ingénierie territoriale (par projet, avec l’ouverture des systèmes d’acteurs), cette recherche suppose que l’analyse de telles démarches expérimentales et/ou innovantes nous renseigne sur ses évolutions : acteurs impliqués (ouverture à la société civile, aux milieux universitaires…), territoires concernés (périurbain, espaces délaissés, friches urbaines…), formats de production (plus collaboratifs, inclusifs, situés…), méthodes et outils de réalisation (enquêtes sociologiques, immersions de terrain, cartographies sensibles, ateliers habitants…).

Comment, pourquoi, avec qui et pour quelles finalités innover et/ou expérimenter ?
Cette recherche repose sur l’emboîtement de trois temps.

Constitution d’un corpus d’études : l’acception de l’innovation et de l’expérimentation dans les métiers et leurs réseaux

Visant la construction d’un corpus d’études essentiellement par le biais des réseaux des deux fédérations impliquées et par voie de communication directe avec les structures, ce premier temps a permis de soulever les acceptions de l’innovation et l’expérimentation dans les métiers de l’ingénierie territoriale. Ce corpus présente une lecture opérationnelle, s’intéressant aux modalités de réalisation des études : outils et données mobilisés, méthodes d’enquête ou d’immersion, collaborations et formes de participation... Il ressort de leur analyse (systématisée dans des fiches portrait) une convergence des thématiques vers la problématique des modes de vie (pratiques de sociabilité, choix résidentiels…) et comportements sociaux (ex : espace public), mais surtout des proximités dans les lieux de réalisation (territoires périurbains, marges métropolitaines parfois stigmatisées, espaces ruraux…).

Resituer les démarches dans une initiative de praticien : quels liens avec la trajectoire professionnelle et accueil de la structure de réalisation ?

Au-delà de cette convergence des grandes orientations, le deuxième temps a permis, par des entretiens semi-directifs auprès de porteurs d’études, de venir qualifier le décentrement recherché par une remise en situation de la production des études : dans la trajectoire professionnelle des porteurs, dans les mutations territoriales investies, dans les principes d’action de la structure... Par là, ce temps a réinscrit l’expérimentation dans l’évolution des métiers et de leurs pouvoirs d’agir. Ce temps a mis en avant les facteurs et volontés du changement des pratiques en faveur de l’expérimentation, donnant à voir deux dynamiques dans l’expérimentation : une dynamique de recherche de relégitimation des métiers par l’expérimentation en contexte de mouvance des cadres de régulation territoriale, souvent accompagnée d’une dynamique d’apprentissage d’habiletés (ex : improvisation) dans un contexte territorial en perpétuelle refondation (incertitudes).

Séminaire de recherche : quels référentiels de l’expérimentation ?

Si innover et/ou expérimenter témoigne d’une volonté de s’écarter de la reproduction des logiques territoriales et/ou professionnelles, alors l’innovation et l’expérimentation dessinent en filigrane d’autres rapports aux territoires, souhaités ou induits par les mécanismes mentionnés plus haut. De l’adaptation à la situation territoriale à la rupture avec quelque paradigme aménagiste, un éventail de possibilités d’innovation et/ou d’expérimentation se déploie, selon des degrés différents d’intégration ou de rupture avec les formes actuelles de l’ingénierie territoriale, qui se différencient particulièrement selon les valeurs portées par ces pratiques. Le dernier temps de cette recherche s’intéressera donc aux représentations des territoires et des sociétés locales, ainsi qu’aux valeurs de l’habiter qui fondent l’expérimentation (objectifs pratiques, visées sociales, finalités politiques…) par un séminaire de recherche avec des porteurs d’étude, enseignants-chercheurs et des étudiants s’intéressant aux évolutions de l’action urbaine aujourd’hui. En partant des problématiques émergeantes induites par la métropolisation des territoires, ce séminaire cherchera à soulever les conditions de validation (recours scientifiques et leurs gages légitimaires, les inclinations participatives et leurs constructions symboliques…) et de reconnaissance pratique des études expérimentales. Nous tenterons par là même de resituer les adaptations des démarches d’observation et d’analyse dans l’entrelac des évolutions des manières d’habiter d’une part, des attentes (professionnelles, sociales, politiques...) que nourrit ce renouvellement de l’ingénierie territoriale de l’autre.

Programme

8h45-9h15 : Accueil café

9h15 - 9h45 : présentation des attendus de la recherche et des grands résultats des deux premiers temps de la démarche, Emmanuel Dupont, Commissariat Général à l’Egalité des Territoires, Guillaume Faburel, université Lyon 2, UMR Triangle, LabEx IMU

RETOUR SUR EXPERIENCES
Complexifier les représentations d’un territoire...

9h45h - 10h15 : Par la valorisation de la parole habitante et de l’expérience du lieu
Valérie Kauffmann, directrice adjointe du CAUE de l’Essonne
« Jeunes balades urbaines » : conception et animation de balades urbaines par les jeunes

10h15 - 10h45 : Par la compréhension des trajectoires résidentielles et modes de vie
Claude Maillere, directeur du développement et de l’innovation de l’agence d’urbanisme de Saint-Nazaire
« Familles en campagne » : enquête par questionnaire fermé et entretiens individuels
Construire d’autres territorialités...

10h45 - 11h15 : Par le marquage des lieux d’identification collective par des habitants
Guillemette Morin, chargée d’études du CAUE de Seine-Saint-Denis
« Totems sans tabous » : construction par et pour des habitants de totems dans l’espace public

11h15 – 11h30 : Pause

11h30 - 12h00 : Par des actions sur les territoires en marge de l’attractivité métropolitaine
Jérôme Ionesco, direction de la Planification et de l’Aménagement Urbain, Mission
Prospective et futurs urbains de l’agence d’urbanisme et d’aménagement aire toulousaine
« Ateliers de composition urbaine » : construire une expertise partagée en amont des sites d’enjeux
Construire des connaissances territoriales par l’usage les corps...

12h00 - 12h30 : Par observation et enquête dans des espaces publics ruraux
Pascale Parat-Bézard, socio-anthropologue au CAUE du Gard
« Typologie des espaces publics de Salindres » : bouquet méthodologique (observation
directe, entretiens de groupe, questionnaire, animation au marché...)

12h30 - 13h00 : Par immersion sensible de praticiens dans un territoire
Pascale Simard, directrice Innovation et réseaux de compétences de l’agence d’urbanisme de
l’agglomération lyonnaise
« Ateliers d’innovation urbaine » : balades et prospective collectives, réunissant praticiens,
élus, associations et chercheurs

13h00 - 14h15 : Pause déjeuner

(RE)ECRITURE D’UN RECIT PARTAGE DE L’INGENIERIE TERRITORIALE ?

14h15 - 14h45 : Les enjeux de la métropolisation pour l’ingénierie territoriale

14h45 - 16h15 : Les conséquences de la métropolisation dans les manières d’habiter et leur observation

16h15 - 16h30 : Pause

16h30 - 17h30 : Les valeurs et référentiels de l’expérimentation

17h30 - 17h45 : Conclusion et présentation de la suite de la démarche

Pour le Commissariat Générale à l’Egalité des Territoires,
en partenariat avec la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU)
et la Fédération Nationale des CAUE

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