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Colloque international « Arts et territoires. Les espaces de la création contemporaine africaine en question »

28 octobre 2014 - 29 octobre,  à Ouagadougou

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Argumentaire

La période qui a suivi les Indépendances a été marquée par un mouvement de réappropriation et de réhabilitation des cultures africaines qui a conduit à la constitution d’ensembles nationaux dans tous les domaines artistiques dont la danse, la musique et le théâtre pour les arts de la scène. Aussi le Ballet National du Mali, de Guinée, le Théâtre National Zaïrois, le Théâtre National de Dakar, l’Ensemble National du Togo, du Cameroun entre autres, créés au tournant des années 1960, ont-ils été érigés en ambassadeurs chargés de diffuser ces cultures à travers le monde. Les politiques culturelles étatiques ont aussi encouragé la création par la mise en œuvre de grands événements comme la Biennale artistique et culturelle au Mali, ou la Semaine nationale de la culture au Burkina Faso.

Depuis le début des années 1990, la création artistique contemporaine sous toutes ses formes connaît un essor notable. Si certains États sont parvenus à maintenir leurs efforts en direction des arts, les politiques d’ajustements structurels imposées dans les années 1980 par les organismes financiers internationaux ont concouru, dans ce domaine comme dans d’autres, à l’affaiblissement de la participation des pouvoirs publics. Le renouvellement de la création artistique a, dans ces conditions, largement reposé sur le volontarisme des acteurs privés et la généralisation des politiques de coopération culturelle en direction des pays du Sud. Cette nouvelle configuration – dont les États africains ne sont du reste pas systématiquement exclus – a correspondu à une diversification des expressions artistiques et une multiplication des outils consacrés à la création, production et diffusion : centres de formation, ateliers ou encore festivals.

À cet égard, le Burkina Faso est un pays particulièrement exemplaire. Les arts contemporains y connaissent à la fois un essor local et une diffusion internationale manifestes. Aux événements phares qui structurent le paysage artistique burkinabè depuis les Indépendances (comme le « Fespaco – Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou »), se sont progressivement ajoutées des manifestations d’envergure dans chaque domaine disciplinaire : en danse (festival « Dialogues de corps », « Festival international de danse de Ouaga – FIDO »), en musique (« Jazz à Ouaga », « Rock à Ouaga »), en arts plastiques (« Carrefour des arts plastiques »), en théâtre (« Festival International de Théâtre pour le Développement – FITD ») ; et pluridisciplinaires : dans le domaine des arts vivants (« Festival International de Théâtre et de la Marionnette – FITMO », élargi au « Festival des Arts du Burkina »), des cultures urbaines (« Waga hiphop ») ou des arts de la rue (« Rendez-vous chez nous »). Ces rencontres artistiques, qui s’implantent principalement dans la capitale, ont souvent été entreprises par des opérateurs locaux, mais suscitent néanmoins de plus en plus l’intérêt des pouvoirs publics.

Nées en 2002, les Récréâtrales, projet de la compagnie Falinga dirigée par Étienne Minoungou, sont de ces initiatives. Avec Le Cartel, fédération de cinq compagnies burkinabè créée quatre ans plus tard, Étienne Minoungou et Ildevert Meda (Compagnie Théâtr’évasion) ont souhaité ouvrir le champ des possibles en matière de pratiques théâtrales en implantant les Récréâtrales dans le quartier Bougsemtenga. Aux prémices, un constat est dressé. Les festivals voués à mettre en exergue les expressions théâtrales n’ayant cessé de se multiplier au cours des dernières décennies sans que les difficultés liées aux conditions de création ne s’estompent en amont (absence d’institutions qualifiantes et professionnalisantes, rareté et indigence des subventions étatiques, insuffisance des lieux de représentation, isolement des créateurs), les Récréâtrales ont d’emblée été bien plus qu’un événement ponctuel. Ces biennales s’organisent de février à novembre autour de trois sessions : la Quarantaine dédiée à la formation-recherche, les Résidences de création dévolues à la production et la Plateforme-festival consacrée à la diffusion. Espaces de réflexion, ces résidences offrent aux artistes venus de tout le continent la possibilité d’aborder le geste artistique selon un processus de maturation polymorphe détaché d’une logique de création solitaire, séquentielle et linéaire par la prévalence donnée au collectif et à la scène.

Ce désir d’agir sur le temps et les modalités de la création a eu pour corollaire la recherche d’une adéquation toujours plus grande avec le territoire. De l’observation que les salles de théâtre ne restent accessibles qu’à une mince frange de la population urbaine et de la conviction que les créations africaines contemporaines ne sont pas condamnées à l’exportation pour acquérir une visibilité, l’évidence s’est imposée qu’il faut questionner les circuits existants et ramener l’art là où se déploie la vie. Bougsemtenga est un quartier qui atteste d’un ancrage patient mais prometteur de l’art dans des lieux décloisonnés et non-conventionnels. Habitat privé et espace public s’y conjuguent dans une concertation renouvelée avec les riverains qui ouvrent leurs cours familiales aux artistes. Ainsi, s’invente une alternative à partir du local qui donne du jeu face aux règles d’un marché de l’art mondialisé mais de surcroît révèle le potentiel de développement économique que représente l’état d’effervescence culturelle presque permanent d’une ville comme Ouagadougou.

Si les Récréâtrales sont devenues une pépinière incontournable en matière de renouvellement des pratiques artistiques, elles sont aussi emblématiques d’une dynamique d’invention d’espaces-temps inédits de la création contemporaine africaine : de nouveaux imaginaires et de nouveaux espaces de relations sociales se tissent dans la ville, qui reconfigurent localement les rapports de pouvoir, les urbanités et les modalités de création artistique. La Plateforme-festival de la 8ème édition des Récréâtrales (25 octobre - 2 novembre 2014) nous a donc semblé le cadre idéal pour mener une réflexion sur les dynamiques qui lient mutations du champ artistique et reconfigurations des espaces urbains sur le continent africain, à différentes échelles, de celle des individus à celle de la mondialisation, en passant par celle des agglomérations. Il s’agira ainsi de questionner la capacité de la création artistique à coproduire la ville, celle des urbanistes, des économistes et des aménageurs, autant que celle des artistes et des habitants ; et réciproquement, d’interroger la place, tant symbolique que pratique, qu’occupe la ville dans la production artistique africaine.

Dans la lignée de la Coalition des Artistes et des Intellectuels du Burkina Faso qui
s’est fixée pour tâche la fabrication d’outils concrets et l’analyse des politiques culturelles menées au plan national afin de constituer une force de proposition pour infléchir ou dynamiser ces dernières, le colloque « Arts et territoires : les espaces de la création contemporaine africaine en question » entend mener une réflexion sur ces questions en réunissant des chercheurs des sciences humaines et sociales de différents continents au cours d’un colloque qui se déroulera en deux temps : à l’Institut français de Ouagadougou le 28 octobre et dans le quartier de Bougsemtenga le 29 octobre 2014. La première journée sera consacrée à la présentation de communications scientifiques. Cette réflexion sera prolongée le lendemain par des ateliers thématiques qui se situeront quant à eux à l’interface des recherches scientifiques, des préoccupations des opérateurs culturels et artistiques, des pratiques culturelles des populations et des dynamiques de l’action publique locale, nationale et internationale.

Axes thématiques

Les propositions de communication pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants (d’autres axes peuvent néanmoins être proposés s’ils s’inscrivent dans le thème général du colloque) :
1. Espaces urbains, espaces de vie et création artistique

  • Comment la ville travaille-t-elle la création artistique et comment la création artistique modèle-t-elle un territoire donné ?
  • Dans quelle mesure les dynamiques artistiques rejoignent-elles les enjeux de développement urbain ? Quels sont les espaces urbains de créativité qui se déploient ? Comment les populations locales se les approprient-elles ?

2. Villes, arts et mondialisation

  • Artistes et territoires, entre assignation et revendication : quelle place pour les artistes africains dans le paysage artistique mondialisé ? Quels enjeux de mobilité internationale façonnent les pratiques artistiques africaines ?
  • Territoires et appropriation : comment des territoires considérés comme marginaux peuvent-ils participer de phénomènes de contournement et de détournement ? Quelle nouvelle communauté l’artiste esquisse-t-il dans et par son geste créateur ?

3. Agglomérations urbaines et économie politique de la culture

  • Dans quelle mesure ces nouveaux territoires de la création génèrent-ils une économie spécifique ?
  • Comment les politiques d’aménagement du territoire prennent-elles en compte la
    culture dans leurs priorités ? Par quels vecteurs les liens entre culture et croissance économique sont-ils considérés ? Quels enjeux de pouvoir et d’appropriation par les politiques culturelles et urbaines face aux dynamiques de ces nouveaux espaces ?

Soumission de la candidature et délais

Ce colloque s’inscrit dans une perspective pluridisciplinaire. L’appel à communication s’adresse aussi bien à des chercheurs qu’à des doctorants relevant de l’ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales, de l’histoire de l’art, etc.
Les propositions de communications sont attendues avant le mardi 30 juin 2014 à l’adresse email suivante : arts.territoires.bf (at) gmail.com
Les propositions de communication ne doivent pas excéder les 2000 signes et devront être accompagnées d’une courte présentation de l’auteur. Les candidatures retenues seront annoncées au plus tard le 15 juillet 2014.

Comité scientifique

  • Marta Amico (Labex CAP, Musée du Quai Branly/Centre George Simmel)
  • Amandine Chapuis (EIREST, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UPEC)
  • Philippe Chaudoir (TRIANGLE, Université Lumière Lyon 2/Institut d’Urbanisme de Lyon)
  • Altaïr Despres (Labex CAP, Musée du Quai Branly/IIAC)
  • Seydou Ouedraogo (Université Ouaga 2, Institut FREE Afrik)
  • Julie Peghini (CEMTI, Université Paris 8)
  • Mahamadé Savadogo (Université Ouaga 2, Coalition des Artistes et des Intellectuels
    du Burkina Faso)
  • Amélie Thérésine (IRET, Université Paris 3)
  • Patrice Yengo (IMAF, EHESS)
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