Le cens de la famille. Les femmes et le vote, 1789-1848 - Résumé
Présentation
Résumé

Lorsqu’on cherche à situer politiquement les femmes, dans la première moitié du XIXème siècle, la réponse semble aujourd’hui s’imposer d’elle-même : privées du droit de suffrage, elles sont exclues de la citoyenneté révolutionnaire, universelle et individualiste telle qu’elle est définie à partir de 1789. Le constat de leur exclusion, d’une objectivité irréprochable, ne rend pourtant pas compte de leur situation politique telle qu’elle est pensée à cette époque (de 1789 à 1848).
Car à ce constat, un autre peut être opposé : les femmes sont loin d’être les seules concernées par cette exclusion. Elles partagent cette communauté de destin avec les domestiques et les enfants. En sortant d’une analyse occupée uniquement de l’exclusion des femmes en tant que telles, pour aborder ces non inclus dans leur globalité, tous « membres de la famille », on est amené à s’interroger sur les liens entre appartenance à la sphère domestique et exclusion des droits électoraux.
La question, jusque-là domaine exclusif de la philosophie politique, est ici posée dans le cadre d’une histoire des catégories de la pensée politique. Une histoire qui, s’en s’éloigner d’une attention constante aux textes politiques de la période étudiée, prend comme terrain d’étude le droit et les lois en tant que support privilégié des catégories de l’action politique. En l’occurrence, les lois électorales, les décrets et circulaires qui les accompagnent ont, au premier chef, organisé cette articulation entre le familial et le politique.
D’où le titre de ce manuscrit : Le cens de la famille. Car, ce que les historiens et politologues, occupés de " ce qui fait problème " ont jusqu’à maintenant laissé échapper, c’est que le calcul du cens électoral avait une histoire ; et que cette histoire, en raison même du caractère " technique " de son objet, pouvait en dire long sur les catégories non débattues, évidentes du droit de suffrage. De fait, une étude attentive des lois électorales, de 1789 à 1848, montre que tous les membres de la famille, quel que soit leur sexe et leur âge, sont considérés comme constitutifs de la capacité politique de l’électeur, en étant autorisés à lui déléguer les contributions de leurs propres biens. Cette étude, conjointement à une analyse des discours (pétitions, essais, presse) de l’époque sur la famille comme société politique, montre bien que le familial, loin d’être laissé à l’écart du politique, le constitue ; et qu’en tant que tel, il est le vecteur à partir duquel 1. se pense la capacité du citoyen à parler au nom de plus grand que lui et 2. se situent, politiquement, les femmes.
Abstract
When seeking to place women in a political context in the first half of the 19th Century, the reply appears self-evident : denied the right to vote, they are excluded from the revolutionary, universal and individual citizenship as defined from 1789 onwards. The fact their exclusion, an objective truth, does not take into account their political situation as viewed during this period (from 1789 to 1848). Few historians or sociologists have considered the manner in which the electoral « cens » (taxpaying status confering voting rights) of electors was calculated : it is presumed to be on an individual basis, that is on the basis of the sole property of the citizen in question. Since, not only does the citizen if he is married, pay the contributions in the name of the common household, but he can also, according to the laws passed from 1802 to 1831 inclusive, include the contributions of other members of the family event if theyr are male and of legal age. The fact that during this period, the family was condidered as a political unit brings us to reconsider people’s situation, which cannot be grasped through a singular approach in terms of « voters » and « non voters ». it is as members of the family that women remain outside political participation. It is as « pater familias » that the citizen is vested whith the individual right to vote in the name of the entire Nation. Only by working on the implicit categories of political construction does a « familialistic » concept of suffrage emerge, a characteristic of the entire revolutionary period). It is therefore beyond the resolution of the so called « problem » of the exclusion of women, that we also find our current modified concept of the revolutionary political individual to be further evolved than once thought.