/ Archives : colloques et journées d’études 2005 - 2016

Journée d’étude : "Penser l’autonomie des étudiants au croisement des regards disciplinaires"

9 décembre 2010, Université Paris Ouest Nanterre

Journée d’études organisée par Emmanuel Porte, et Aurélien Casta.

Voir les modalités d’envoi des propositions.

Présentation

Marquée par la nomination de Martin Hirsh au poste de Haut-Commissaire à la jeunesse, l’année 2009 a été l’occasion de réactiver un débat déjà ancien sur la place et le rôle de la jeunesse étudiante dans la société française. Les difficultés financières, les problèmes de logement, de précarité de l’emploi et d’insertion professionnelle sont autant de thématiques structurant le débat autour de l’autonomie de la jeunesse. Dans un contexte de développement de mécanismes d’individualisation des prestations sociales (notamment avec la mise en place de processus d’activation), la notion d’autonomie des jeunes semble venir donner une unité à des dispositifs, des expérimentations ou des revendications pourtant pensés de manière hétérogène. Ce débat fut aussi l’occasion pour nombre d’acteurs de repenser et/ou de remobiliser d’autres catégories plus ou moins récentes de justification des politiques publiques d’enseignement supérieur telles que la « méritocratie républicaine », « l’égalité des chances », l’ « insertion professionnelle » ou le « droit à l’éducation ».

L’idée de cette journée d’études sera de revenir sur cette question en essayant de rendre compte de la relative instabilité de la notion et de la pluralité des conceptions de l’étudiant dans la société qu’elle permet d’articuler. Elle sera également l’occasion de questionner au travers de cette notion les différents dispositifs d’aides sociales imaginés et mis en œuvre (bourses, prêts, capital de formation, etc), en les insérant dans les problématiques politique et économique de leur application. Ce débat et ses piliers empiriques, idéologiques et institutionnels doivent ainsi faire l’objet d’un questionnement si l’on veut comprendre le sens, la continuité, les ressources et les fragilités d’une condition étudiante et de politiques
publiques d’enseignement supérieur en pleine évolution depuis la fin des années 1980.

Ces évolutions ont fait l’objet de nombreux travaux [1] sociologiques, historiques et économiques mais ces derniers mobilisent peu la notion d’autonomie, la réduisant lorsqu’ils l’évoquent, à la question de l’indépendance matérielle et financière des étudiants par rapport à leurs parents, et faisant le plus souvent de l’autonomie étudiante une problématisation sociologique du temps de la jeunesse. Ces travaux et les propositions lancées à l’occasion du Livre Vert (réévaluation du système de bourses, accompagnement du parcours d’insertion professionnelle, etc) mettent pourtant en évidence et en débat le faisceau d’interdépendances
multiples qui existent entre les étudiants et le reste de la collectivité. Ces interdépendances sociales auxquelles prennent part les étudiants, avec par exemple leurs employeurs, les personnels enseignant et non enseignant de leur établissement ou les administrations publiques (CROUS, CAF, …), peuvent être le support de rapports sociaux reconnus ou
contestés, émancipateurs ou tutélaires. A travers le débat sur l’autonomie, c’est aussi la légitimité de ces rapports sociaux, des droits qu’ils accordent et des contreparties qu’ils exigent, qui est mise en question. Pour comprendre l’autonomie étudiante, il nous faut donc aborder d’une part la nature et les manifestations empiriques de ces rapports sociaux et
d’autre part leur mise en question et les positionnements politiques auxquels leur remise en cause conduit. Ainsi les contributions pourront aussi bien évoquer les effets (en matière d’études supérieures, d’emploi, de logement, …) des politiques publiques que les positions des acteurs institutionnels (syndicats, associations, partis, …) qui mobilisent cette notion, aussi bien le degré, le niveau et la nature de l’autonomie des étudiants actuels, que la mise en débat du temps des études et de la jeunesse dont cette notion est le support. Par ailleurs, étant donné qu’elle permet de prolonger la mise en question de cette notion, l’analyse des cas étrangers sera particulièrement bienvenue.

Ces contributions seront l’occasion d’apporter des éléments de réponse aux deux grands axes de questionnement suivants :

1. Les définitions universitaire, profane et militante de l’autonomie des étudiants. Mesurer la capacité à définir un statut étudiant, des catégories ou représentations mobilisées au cours du débat français nous force à faire la sociogenèse de ce dernier en nous intéressant à ses relais institutionnels ou aux positions des acteurs qu’ils soient étudiants ou non. Cette recherche nous permettra de répondre aux questions suivantes.
Qu’est-ce qu’un étudiant autonome pour les acteurs du débat public ? Sous quelles conditions (niveau et nature de la sélection, …) peut-on accéder à cette « autonomie étudiante » ? De quel tiers s’agit-il donc de s’émanciper ? Quelle contrainte ce tiers peut-il bien exercer ? Une contrainte financière ? De temps ? Une contrainte empêchant la libre définition des fins et des moyens de son activité étudiante ? Enfin, pourquoi ce terme fait-il sens pour tous les acteurs ?

2. Le sens, le fonctionnement et les effets des ressources monétaires (bourses, prêts, salaire, aides parentales, …) et institutionnelles (politiques d’enseignement supérieur) existantes susceptible de promouvoir l’autonomie des étudiants. L’étudiant autonome existe-t-il ou a-t-il existé, que ce soit à l’étranger ou sur certains segments du système d’enseignement supérieur français ? Si c’est le cas, de quelle tutelle s’est-il effectivement émancipé ? En a-t-il conscience et en fait-il au sein d’organisations ou non, un statut généralisable à l’ensemble des étudiants ? La question n’est pas forcément la même selon que l’on ait quitté le domicile familial, selon que l’on soit salarié, selon que l’on bénéficie de prestations sociales, selon que l’on soit étudiant dans une école privée ou dans une université. Dans ce cas, quel est le tiers susceptible d’assumer cette émancipation ? L’État, l’entreprise, la famille ou l’institution de formation ? En somme, quelle autonomie effective et sous quelles
conditions économiques, sociales et institutionnelles est-elle possible voire
généralisable ?

La capacité de cette catégorie très générale à relancer le débat sur les aides sociales étudiantes, les politiques de jeunesse et le système d’enseignement supérieur démontre ainsi la persistance d’aspirations communes à l’élaboration d’un statut étudiant ou à la reconfiguration
de l’enseignement supérieur. Cette journée d’études sera l’occasion d’en brosser un tableau problématisé qui s’autorise aussi bien la mobilisation d’approches socio-historique que comparative, économique ou juridique.

Organisation

  • Emmanuel Porte, ATER et doctorant en science politique, Laboratoire Triangle (Lyon 2/IEP Lyon/ENSLSH) UMR 5206 - Université Lyon 2.
  • Aurélien Casta, moniteur et doctorant en sociologie, Institut des dynamiques historiques et économiques (UMR 8533), Université Paris Ouest Nanterre.

Propositions de communication

Les propositions de communication sont à renvoyer pour le 1 septembre 2010 au plus tard à Aurélien Casta (aureliencasta@wanadoo.fr) et Emmanuel Porte (emmanuel.porte@univlyon2.fr) Elles devront présenter rapidement (environ 1500 signes) le projet de communication (titre de la communication, questions et objet de la recherche, méthode utilisée, principales références bibliographiques) et les coordonnées de l’auteur.

Les propositions des jeunes chercheurs seront privilégiées mais n’excluent pas les propositions de chercheurs confirmés ou de professionnels engagés dans un retour réflexif sur la pratique de certains dispositifs.

[1Plusieurs contributions de l’ouvrage collectif Les étudiants en France. Histoire et sociologie d’une nouvelle jeunesse. (2009) mobilisent ainsi la notion en ce sens.

/ Archives : colloques et journées d’études 2005 - 2016