/ 2008-2016

Claude Gautier intervient au séminaire du Labex COMOD, sur le thème : "La figure de l’individu dans la philosophie morale de Smith : une émancipation libérale ?"

12 juin 2013, de 16h à 18h30, en salle F106, ENS de Lyon (site Descartes)

Intervention

  • Claude Gautier, professeur de Philosophie Politique à l’ENS de Lyon, UMR 5206.

Il s’agira de faire une présentation critique de l’une des hypothèses portant sur la « naissance de l’individualisme libéral  ». En France, Louis Dumont [1911-1998], anthropologue et élève de M. Mauss, a proposé, dans les années 70, du point de vue de l’histoire de la pensée politique, une interprétation possible des conditions d’émergence d’une telle représentation individualiste de la société. C’est cette approche, de loin la plus aboutie et la plus nuancée, que nous entendons discuter.

Nous reviendrons d’abord sur la méthode anthropologique qui permet de construire le dispositif d’un « regard inversé », dispositif à partir duquel L. Dumont établit les grandes oppositions structurant son récit historique de la naissance de l’individualisme [Homo Æqualis, 1977 ; Essais sur l’individualisme, 1983].

Il sera alors possible de décrire la manière d’envisager la filiation supposée entre John Locke et Adam Smith. Cette filiation, pour L. Dumont, doit permettre de comprendre en quels termes et en quel sens se trouve importée dans l’espace des échanges marchands une conception substantielle de l’individu propriétaire de ses œuvres.

Nous reviendrons enfin sur la nature et la fonction de l’individualisme si souvent imputé à l’auteur de l’Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations [1776]. S’il n’est pas question de remettre en cause le fait de son individualisme, nous montrerons, en revanche, que loin d’être seulement une « étape » dans la marche vers la constitution et l’épanouissement d’une « idéologie économique libérale », il est aussi, et peut-être surtout, l’occasion d’une dramatisation des impasses auxquelles cet individualisme peut conduire s’il se soutient de la réduction pure et simple de la société à l’ordre du « marché ».

Loin d’être le défenseur naïf d’une conception « économiste » de l’ordre social, A. Smith, comme d’autres membres de l’Ecole Historique Ecossaise, aura sans doute été conscient des effets moraux et politiques de la modernisation. Ce qui a souvent été perçu comme une contradiction non résolue entre ses œuvres morale et économique manifesterait plutôt un effort constant pour comprendre certains des problèmes qui vont avec la « civilisation » des sociétés modernes.

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