couverture du livre / Ouvrages

Lumières de la gauche

Présentation

« Le récent divorce d’une partie de la gauche avec le legs rationaliste, universaliste et progressiste des Lumières peut donner le sentiment que l’émancipation au sens moderne n’a qu’un lointain rapport avec ce qu’elle signifiait au XVIIIe siècle, voire qu’elle lui est franchement opposée. Le présent ouvrage entend revenir sur un lien historique parfois remis en question de nos jours. Pas à pas, il s’efforce de retracer l’histoire des relations des gauches égalitaristes, féministes et anticolonialistes à l’héritage du XVIIIe siècle, depuis la Révolution française jusqu’aux années 1960-70, période où commencent à s’élever des critiques d’une virulence inédite contre cet héritage.

Par là, on constate que les principaux courants idéologiques d’émancipation ne peuvent se comprendre que comme des prolongements critiques des combats politiques et sociaux des penseurs des Lumières. Des prolongements, en ce qu’ils visent fondamentalement à approfondir, à élargir et à concrétiser les promesses des Lumières ; critiques, en ce qu’ils s’efforcent d’en surmonter les limites et les contradictions, portant l’idéal d’autonomie et de liberté humaines à un niveau de radicalité jamais atteint. Dès le XVIIIe siècle, les cas de Gracchus Babeuf, Mary Wollstonecraft, Toussaint Louverture, respectivement premiers représentants des combats pour l’égalité économique, sexuelle et raciale, rappellent que les principes fondateurs de toute perspective de transformation sociale trouvent leur source dans la Révolution française. Par la suite, les grands débats de la gauche des XIXe et XXe siècles, de la Révolution russe aux luttes d’indépendance des peuples colonisés, de Marx à Sartre et de Kropotkine à C. L. R. James, confirment le lien identitaire des plus grandes figures de la gauche avec le message libérateur des Lumières. Il ne s’agit pas seulement ici de rappeler l’existence d’une filiation qui, pendant longtemps, est demeurée évidente aux yeux de tous, mais également d’analyser les manières, parfois très différentes, dont chacune de ces figures se rattache à l’héritage du XVIIIe siècle. Il existe ainsi plusieurs façons de s’approprier cet héritage à gauche, qui font émerger autant d’images rétrospectives des débats et combats du XVIIIe siècle. L’étude fait ainsi apparaître une grande diversité d’usages de ce legs, au croisement entre adaptation, sélection et démarcation critique. »

Auteur(s) / Autrice(s) du labo

  • Stéphanie Roza : Chargée de recherches CNRS en philosophie politique, section 35