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/ Colloques - journées d’étudeJournée d’études « L’encadrement doctoral, des réformes institutionnelles aux pratiques professionnelles »vendredi, 22 novembre 2024 |
L’encadrement doctoral, défini comme l’ensemble des politiques institutionnelles et pratiques professionnelles visant à réguler le déroulement des thèses et le parcours des doctorant·es, est central dans la fabrique de la science. Bien qu’il soit souvent présent en filigrane dans les travaux consacrés aux parcours des doctorant·es (Gérard 2014 ; Le Bayon 2015 ; Chao et al. 2015 ; Haag 2017 ; Calmand 2020 ; Bataille, Mariage, Mercklé 2022) ou à l’histoire du doctorat (Verschueren, 2024), en France, les enquêtes dédiées à l’encadrement en général et à la direction de thèse en particulier sont encore assez rares (Dahan 2007 ; Godechot, Louvet 2010 ; Gérard 2017 ; Jorro, Saboya 2020 ; Girard 2023) [1]. Par comparaison, au Royaume-Uni, en Australie et au Québec, il s’agit d’un champ de recherches foisonnant en psychologie, sciences de gestion et sciences de l’éducation (Gurr, 2001 ; Wright, Murray, Geale, 2007 ; Denis, Colet, Lison, 2018, 2020 ; Denis, 2020). Le sous-encadrement y apparaît comme l’une des principales causes d’arrêt des thèses (Balsam et Kanbar, 2018 ; Denis, Lison et Colet, 2021), ce que confirme un rapport du FNRS belge (Dethier, Bebiroglu et Ameryckx, 2020).
Aussi riches soient ces travaux, une partie d’entre eux s’attache à typologiser les formes d’encadrement dans une perspective assez normative (identifier le « bon » niveau d’encadrement) et tendent à négliger le cadre institutionnel du doctorat. Ce dernier est pourtant de plus en plus prégnant depuis une trentaine d’année, que l’on pense, en France, à la création des écoles doctorales en 1992, à la mise en place de « chartes » des thèses en 1998 [2], jusqu’à l’institutionnalisation, en 2016, de comités de suivi individuels destinés à vérifier le bon déroulement de la thèse et de la relation d’encadrement. On peut ainsi s’interroger : l’intervention croissante de ces « tiers éducatif » conduit-elle à « bouleverser la relation duale » entre directeur·ice et doctorant·e (Jorro et Saboya, 2020) ? Sommes-nous entrés dans un quatrième « âge de la régulation doctorale » (Serre, 2015), plus protecteur, qui permettrait par exemple de limiter les excès de pouvoir auxquelles sont surexposées les femmes dirigées par des hommes (Gerard, 2017) ?
Les « mots d’ordre réformateurs » ne transformant pas toujours les pratiques professionnelles (Breton et Perrier, 2018), il y a fort à parier que ces réformes ne suffisent pas à rééquilibrer mécaniquement la relation, très asymétrique (Herzlich, 2005 ; Deruelle, 2024), qui lie encadrant·es et encadré·es. Dès lors, l’ère des « patrons » de thèse dépeints dans Homo academicus (Bourdieu, 1984) est-elle révolue ? Plus généralement, que signifie encadrer une thèse, dans le double contexte actuel d’injonction à la « professionnalisation » du doctorat et d’érosion des vocations académiques [3] ? Comment s’entremêlent concrètement, dans la relation d’encadrement, patronage intellectuel, rapports hiérarchiques et projections professionnelles ? Cette journée d’études, qui s’inscrit dans le cadre du projet ENCDOC [4], éclairera ces questions à partir des travaux de spécialistes de disciplines et de périodes distinctes. L’encadrement doctoral y est conçu à la fois comme une modalité centrale de production du savoir scientifique et comme un promontoire pour saisir les rapports de pouvoir dans le monde universitaire.
Jeudi 21 novembre (après-midi)
Vendredi 22 novembre (matin)
Contacts : Vincent Lebrou et Luc Sigalo-Santos
L’entrée est libre et gratuite. Pour celles et ceux qui veulent suivre à distance, merci de vous inscrire à l’adresse suivante (un lien visio sera envoyé ultérieurement) :
[1] Exception faite ici des témoignages de directeurs et directrices de thèses, qui constituent en soi un matériau à analyser.
[2] En 2009, la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) estimait que 70 % des établissements ne respectaient pas la réglementation, et que 19 % des doctorant·es avaient signé une charte ne fournissant pas les garanties minimales. La CJC a proposé une nouvelle charte en 2016. Entre temps, en 2005, une Charte européenne du chercheur a vu le jour.
[3] Les inscriptions en thèse ont baissé de 15 % entre 2009 et 2016 (source : MESRI). Cette diminution se confirme dans cette période post-Covid. En 2023, l’effectif de primo-inscrit·es ré-augmente pour la première fois, sauf en SHS où il continue de baisser (- 2,3 % par rapport à 2022).
[4] Financé par la Région Bourgogne-Franche-Comté depuis 2022 (dispositif ANER), ce projet est piloté par V. Lebrou et L. Sigalo Santos.