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/ Séminaire Onomastique politique (archives 2008-2012)

Chloé Gaboriaux : "Rural 1er (A. Thiers) en Paganocrate/ Le détournement politique du vocabulaire rustique autour de 1871"

lundi, 15 décembre 2008




Intervenante : Chloé Gaboriaux, docteur de science politique et professeur de lettres modernes à l’Université de Lyon, Université Claude-Bernard Lyon 1 et au CEVIPOF.

Titre : « Rural Ier (A. Thiers) en paganocrate. Le détournement politique du vocabulaire rustique autour de 1871 ».

Résumé de la communication :
L’emploi de rural au sens de réactionnaire au lendemain des élections de février 1871 a souvent été commenté (Dubois, 1962 ; Barral, 1968 ; Huard, 1998 ; Chun, 2003 ; Bleton-Ruget, 2005). Exaspérés par les nombreux échecs électoraux qu’ils subissent dans les campagnes depuis 1848, les républicains ont fait de cet adjectif une injure que leurs adversaires politiques se sont empressés de revendiquer comme un titre de gloire. Au-delà de l’étude jusqu’ici privilégiée des connotations attachées à rural, il s’est agi ici d’analyser les réagencements conceptuels dont témoigne l’évolution du terme. A cet égard, le sobriquet Rural Ier, dont les républicains affublent bientôt Adolphe Thiers, a retenu notre attention. Il met en effet en œuvre de façon exemplaire la métonymie disqualifiante qui sous-tend la plupart des usages politiques de ruralet qui revient à dénigrer les représentants des campagnes en les désignant par le nom de leur électorat. Le procédé est doublement étonnant de la part des républicains. Il suppose une critique des électeurs majoritaires qui va à l’encontre de leur foi dans le suffrage universel. Il repose en outre sur l’identification d’une catégorie sociale à une couleur politique, qui contredit dans une large mesure leur conception abstraite de la citoyenneté, pensée jusqu’ici comme arrachement aux déterminations sociales.

L’analyse d’un large corpus de textes publiés dans l’arène politique entre 1871 et 1875 a permis de mettre en rapport l’évolution du terme rural et un certain nombre de propositions d’action à l’initiative des républicains, et de démontrer ainsi que ce fait de langue n’est pas anodin : indissociable de la question de la représentation politique, il renvoie à travers elle à un infléchissement majeur des conceptions républicaines.

Mots clés : discours politique, onomastique politique, paysannerie, représentation, suffrage universel