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Colloque « Déconstruire la ville : saisir la décroissance comme opportunité. Comment ? Pour qui ? »
5 octobre 2017 - 6 octobre 2017, École Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne, 1 rue Buisson, Saint-EtiennePrésentation
Colloque organisé conjointement par le programme de recherche Altergrowth (V. Béal, dir.), l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint—‐Etienne, les laboratoires EVS (UMR 5600), Triangle (UMR CNRS 5206) et l’Université Jean Monnet Saint—‐Etienne.
- Programme complet (PDF)
Les villes en décroissance sont devenues un objet d’études et de recherches central dans la dernière décennie. Sur la base de phénomènes, plus ou moins combinés, de décroissance démographique et de déclin économique, les appellations varient : de la traduction de l’anglais shrinking cities en « villes rétrécissantes », à « villes en déclin » ou « villes en décroissance » (Métropolitiques, 2017). Ces appellations qui combinent les idées de rétrécissement, de dévalorisation et aussi de perte de vitalité sont apparues à la fin des années 1970 pour désigner les processus à l’œuvre dans les villes de l’ancienne manufacturing belt étatsunienne, devenue rust belt dans les années 1980. Le cas des villes est‐allemandes dont les trajectoires ont été profondément affectées par les dynamiques géopolitiques de la réunification est venu s’ajouter, dans les années 1990, aux cas « saisissants » de déclin urbain liés à la désindustrialisation et à la périurbanisation dans les villes nord-américaines. Depuis, ces dynamiques se sont étendues à des villes de tailles diverses et de spécialisation économique autre qu’industrielle à tel point que le phénomène de déclin urbain est qualifié de structurel par certains auteurs (Bernt et al., 2013), une fois replacé dans les puissantes logiques du processus de métropolisation. La décroissance démographique concerne actuellement plus d’un tiers des aires urbaines en France métropolitaine. Selon le zonage 2010 de l’INSEE, ce sont en effet 283 des 771 aires urbaines de France métropolitaine qui affichaient en 2011 une population résidente plus faible qu’en 1990 (Cauchi-Duval, Cornuau, Rudolph, 2017).
Face à ce phénomène – certes ancien mais, jusqu’aux années 2000, plutôt circonscrit aux régions industrielles malmenées par les recompositions du système capitaliste désormais mondialisé et « urbanisé » –, les acteurs oscillent entre déni et mise à l’agenda, entre euphémisation et affrontement, entre inaction(s) et action(s). Globalement, lorsqu’elles existent, les stratégies de « réponse » au déclin urbain, élaborées au niveau national et/ou local, peinent à se départir du dogme toujours dominant de la croissance (Schatz, 2010) et partant des politiques d’attractivité (Miot, 2012). Les stratégies de décroissance planifiée mises en œuvre aux Etats-Unis, qui ont pu être analysées, un temps, comme des politiques alternatives, sont aujourd’hui lourdement questionnées quant à leur caractère réellement innovant et/ou progressiste (Béal et al., 2016). Certains auteurs les inscrivent même dans une forme de continuité par rapport aux politiques de rénovation urbaine des années 1960 y compris au travers de leurs logiques ségrégatives les plus controversées à l’image du redlining (Aalbers, 2014). Ces stratégies tendent en effet souvent à se limiter à des opérations – jamais neutres – de rightsizing, c’est-à-dire d’ajustement des formes et services urbains aux réalités socio-démographiques, dans lesquelles la démolition de logements est vue comme l’unique levier à la fois pour relancer des marchés immobiliers défaillants et pour réaffirmer la légitimité de la puissance publique (Highsmith, 2015 ; Hackworth, 2006). La volonté de recomposer et requalifier la ville existante n’est pas absente des politiques de rightsizing comme en témoignent, par exemple, le projet de Detroit de faire du paysage une nouvelle infrastructure urbaine (Sadoux, Meehan, 2014) ou les projets menés par les villes allemandes dans le cadre du programme de rénovation urbaine Stadtumbau Ost, développé à partir de 2002, qui apporte des aides aux communes pour la démolition des logements sans reconstruction systématique et, plus secondairement, pour la mise en oeuvre de mesures de revalorisation (Bernt, 2009 ; Fol, Cunnigham-Sabot, 2010 ; Roth, 2011). En Europe, plus sans doute qu’ailleurs dans le monde, la requalification de la ville en décroissance se heurte parfois et paradoxalement à des politiques de patrimonialisation prises entre volonté – toujours sélective (Veschambre, 2002) – de conserver un « bien commun » urbain – et ce faisant de produire « rassemblement et réconciliation » (Garnier, Castrillo Romón, 2013) – et de renouveler la valeur des biens et la rente urbaine (Alvarez Mora, 2013).
L’objectif de ce colloque sera d’étudier les enjeux liés à la déconstruction en abordant deux grandes séries de questionnement.
- 1. La déconstruction comme opportunité
La décroissance urbaine peut-elle constituer une opportunité pour des acteurs à même de la concevoir comme telle et non pas seulement comme une perte, plus ou moins irrémédiable, de vitalité et d’atouts ? Peut-on penser que la décroissance permette de reconfigurer des villes souvent bâties à la hâte – les dites « villes-champignons » que l’on pourrait aisément requalifier en « villes de rapport » par analogie avec l’expression « immeuble de rapport » (Bonneval, Robert, 2013) ? A quelles conditions ? Quels sont les obstacles conceptuels, sociaux, économiques, politiques pour penser la déconstruction comme une opportunité pour la ville et ses habitant-e-s ? Les politiques de patrimonialisation constituent-elles des obstacles spécifiques dans ce cadre ?
Peut-on requalifier la ville, tant globalement qu’à l’échelle des îlots ou des quartiers, en la dé-construisant ? Les démolitions peuvent‐elles permettre de dé‐construire la ville en même temps que la re-construire autrement et mieux, en prenant en compte les besoins et les aspirations des habitant-e-s ? A l’inverse, la déconstruction – en posant la question de savoir ce qui doit être préservé ou non – ne contribue-t-elle pas à pas à renforcer les mécanismes de catégorisation et de hiérarchisation des types d’habitat, des quartiers, voire de leurs habitant-e-s ?
- 2. Les pratiques et politiques de déconstruction
Quelles sont les pratiques et politiques mises en place pour déconstruire les villes ? Comment nommer les actions pensées et mises en œuvre pour accompagner la décroissance dans un contexte où la durabilité rend suspecte la « dé-densification » ? Plus spécifiquement, il s’agira également de comprendre à quelles conditions la dé-construction peut « faire » un autre projet urbain. Les acteurs urbains peuvent-ils trouver là matière à nourrir un projet de développement plus progressiste, notamment dans des configurations urbaines « moyennes » par leur taille et par les conditions socio-économiques de leurs habitant-e-s qui, pour éloignées qu’elles soient de la figure métropolitaine dominante, n’en représentent pas moins le cadre de vie de millions de personnes ? De manière plus pragmatique, quels sont – ou plutôt seraient – les outils techniques et financiers de la déconstruction, au sens où nous l’entendons comme opportunité de « (re)construire » la ville ? Quels acteurs et groupes d’acteurs sont susceptibles de se mobiliser pour porter ce type d’agenda ? Quelles sont les diverses expériences à l’œuvre aujourd’hui et comment sont-elles influencées par leur contexte ?
Programme
Jeudi 5 octobre 2017
09h00 – 09h30 : Accueil
09h30 – 09h45 : Ouverture : Léla Bencharif (Présidente du CA de l’ENSA de Saint-Étienne) et Michèle Cottier (Présidente de l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne)
09h45 – 12h30 : Session 1 - Adapter les villes en décroissance à leur nouvelle taille ? Du smart shrinkage à la déconstruction
- La décroissance urbaine comme opportunité ? Penser la « déconstruction » pour transformer la ville, Jean-Michel Dutreuil (architecte, GRF Transformations, ENSA de Saint-Étienne) et Christelle Morel Journel (géographe, EVS, Université de Saint-Étienne)
- Les stratégies de « smart shrinkage », des stratégies alternatives ?, Vincent Beal (politiste-sociologue, SAGE, Université de Strasbourg), Sylvie Fol (études urbaines, Géographie-Cités, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) et Max Rousseau (politiste, CIRAD)
- Intervention d’un.e élu.e (contacts en cours)
Discutant : Vincent Veschambre (géographe, Le Rize – EVS)
14h00 – 17h00 Session 2 - Instruments et modalités de la déconstruction
- Déconstruire Cleveland. Entre revanchisme et progressisme, Vincent Beal (politiste-sociologue, SAGE, Université de Strasbourg) et Max Rousseau (politiste, CIRAD)
- Adapter la ville en décroissance sans le dire : exemple de l’îlot Emile Zola (Saint-Étienne), Pauline Chavassieux (architecte, EVS, ENSASE)
- Le coût du vide. Réflexions à partir d’exemples en région stéphanoise, Frank Le Bail (architecte, Chaire Habitat du futur, ENSA de Grenoble)
- Décroissance : des projets, des stratégies… Et c’est pas triste !, Jean-Pierre Charbonneau (conseiller en politiques urbaines et culturelles)
Discutant : Georges Gay (géographe, EVS, Université de Saint-Etienne)
17h30 – 19h00 Session 3 : exposition - Les villes décroissantes : nouveaux enjeux et questions pour l’enseignement du projet architectural et urbain
Présentation de l’exposition Habiter demain les villes décroissantes ? Projets de fin d’études du domaine « Habitat, culture, environnement », suivi d’une visite, Jean-Michel Dutreuil (architecte, GRF Transformations, ENSASE)
Vendredi 6 octobre 2017
09h30 – 12h30 Session 4 - Les bailleurs sociaux face à la décroissance urbaine
- La ville décroissante, une opportunité pour une meilleure prise en compte de la diversité des dynamiques territoriales dans les politiques nationales de logement social, Marie Mondain (études urbaines, Géographie-Cités, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
- Le métier de bailleur social en contexte détendu : retour d’expériences, Christophe Bouscaud (Directeur général d’Orne Habitat)
- Démolir sans (presque) reconstruire. Retours sur quinze ans de démolitions à Vitry-le-François, Yoan Miot (études urbaines, LATTS, Université Paris Est Marne-la-Vallée) et Max Rousseau (politiste, CIRAD)
- Firminy-Vert entre vacance de logements et préservation du patrimoine : transformer des impasses en atouts ?, Rachid Kaddour (géographe, GRF Transformations, ENSASE)
- Patrimoine, patrimoine remarquable HLM en secteur détendu, Cécile Semery (responsable du département Architecture et Maîtrise d’ouvrage, Union Sociale pour l’Habitat)
Discutante : Sylvie Fol (études urbaines, Géographie-Cités, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
14h00 – 17h00 Session 5 - Déconstruire la ville en décroissance : diversité des expériences
- Conflicting rationalities and messy actualities of urban renewal in Halle/Saale, East Germany, Nina Gribat (études urbaines, Université de Darmstadt)
- Détruire pour (mieux) reconstruire ? Regard rétrospectif sur la pensée de la décroissance urbaine dans le projet architectural et urbain, Charline Sowa (architecte, MHAevt de l’ENSA de Grenoble)
- Déconstruire Détroit : légitimer l’action publique au détriment des quartiers résidentiels ?, Henri Briche (politiste, TRIANGLE, Université de Saint-Étienne)
- Déconstruire, c’est jardiner la ville. Exemples stéphanois, Eric Clavier (architecte, atelier Jardinier des villes ; GRF Transformations, ENSASE)
Discutante : Catherine Maumi (architecte, historienne de l’architecture, MHAevt, ENSA de Grenoble)
17h00 – 17h30 conclusion / synthèse
- Jean Attali (philosophe, professeur honoraire en urbanisme et projet urbain, UMR-AUSser / CNRS n°3329)
Références bibliographiques
AALBERS, M., “Do maps make geography ? Part 1 : Redlining, planned shrinkage, and the places of decline”, ACME, 2014, 13, 1-1.
ALVAREZ MORA A., « Le concept de patrimoine bâti, alibi des modèles urbains soumis à la rente foncière en Europe », Espaces et sociétés, 2013/1, n°152-153, p. 19-33.
BEAL, V., FOL, S., ROUSSEAU, M., “De quoi le ‘smart shrinkage’ est-il le nom ? Les ambiguités des politiques de décroissance planifiée dans les villes américaines”, Géographie, économie, société, 2016, 18(2), 211-234.
BERNT M., « Partnership for Demolition : The Governance of Urban Renewal in East Germany’s shrinking cities », IJURR, 33-3, 2009, p. 754-769.
BERNT, M. and al., “How does(n’t) Urban Shrinkage get onto the Agenda ? Experiences from Leipzig, Liverpool, Genoa and Bytom”, International Journal of Urban and Regional Research, 2014, 38 : 1749–1766.
BONNEVAL L. et ROBERT F., L’immeuble de rapport. L’immobilier entre gestion et spéculation. Lyon, 1860-1990, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013.
CAUCHI-DUVAL, N., CORNUAU, F., RUDOLPH, M., « La décroissance urbaine en France : les effets cumulatifs du déclin », Métropolitiques, 2017, URL http://www.metropolitiques.eu/La-decroissance-urbaine-en-France,1093.html
FOL S. & CUNNINGHAM-SABOT E., « Déclin urbain » et Shrinking Cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine », Annales de Géographie, 2010, n°674, p. 359- 383.
GARNIER J.-P. et CASTRILLO ROMON M., « Éditorial », Espaces et sociétés, 2013/1, n°152-153, p. 7-17.
HACKWORTH, J. “Demolition as urban policy in the American rustbelt”, Working paper, 2016.
HIGHSMITH, A. R. (2015). Demolition Means Progress : Flint, Michigan, and the Fate of the American Metropolis. University of Chicago Press.
KADDOUR Rachid, Quand le grand ensemble devient patrimoine : Réflexions sur le devenir d’un héritage du logement social et la fabrication du patrimoine à partir de cas exemplaires en région stéphanoise, thèse pour le doctorat en Géographie – Aménagement de l’espace, Université de Saint-Etienne, 2013.
MIOT, Y., Face à la décroissance urbaine : l’attractivité résidentielle ? Le cas des villes de tradition industrielle de Mulhouse, Roubaix et Saint-Etienne, Thèse pour le doctorat en Aménagement et Urbanisme, Université de Lille 1, 2012.
ROTH H., « Les « villes rétrécissantes » en Allemagne », Géocarrefour [En ligne], 2011, Vol. 86/2 | 2011. URL http://geocarrefour.revues.org/8294
SADOUX S. et MEEHAN T., « Vers une typologie des inversions urbaines par l’infrastructure. L’exemple de Detroit, Michigan », in BEAUGUITTE L., Croissance et décroissance des réseaux : Actes de la troisième journée d’études du groupe FMR (Flux, matrices, réseaux), 2014, 4 http://halshs.archives-ouvertes.fr/FMR/
SCHATZ L. (2010), What helps or hinders the adoption of « good planning » principles in shrinking cities ? A comparison of recent planning exercises in Sudbury, Ontario and Youngstown, Ohio, PhD thesis, University of Waterloo.
SCHILLING, J. and LOGAN, J., “Greening the rust belt : A green infrastructure model for right sizing America’s shrinking cities”, Journal of the American Planning Association, 2008, 74(4), 451-466.
VESCHAMBRE V., « Une mémoire urbaine socialement selective. Réflexions à partir de l’exemple d’Angers », Les Annales de la recherché urbaine, 1992, n°92, p. 65-73.
Comité d’organisation
Vincent BEAL, Pauline CHAVASSIEUX, Jean-Michel DUTREUIL, Jörn GARLEFF, Georges GAY, Rachid KADDOUR, Christelle MOREL JOURNEL, Valérie SALA PALA