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Colloque international « Pour une histoire sociale des idées politiques »

22 janvier 2015 CEVIPOF, 98 rue de l’Université, Paris 7e

Colloque organisé par les laboratoires CEVIPOF, l’ISP et TRIANGLE.

Programme

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Projet scientifique

En France, l’histoire des idées politiques est souvent réputée être le cheval de Troie de révolutions conservatrices intellectuelles. Ce sort est peut-être mérité, tant ce domaine paraît sinistré, comparativement au dynamisme et aux révolutions historiographiques qu’ont connus l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays depuis une quarantaine d’années. Le défaut d’institutionnalisation de l’histoire de la pensée politique conjugué à son éclatement disciplinaire entre philosophie, lettres, droit et science politique, ont bridé la constitution, en France, d’un espace de discussion autonome sur ses attendus épistémologiques et méthodologiques, et longtemps rendu difficile la réception de traditions étrangères comme l’École de Cambridge ou la sémantique historique allemande.

En France, cependant, notamment sous l’influence de Pierre Bourdieu, s’est aussi affirmé un projet de refondation disciplinaire circulant sous le syntagme d’« histoire sociale des idées politiques », dont ne se réclament guère la Cambridge School ou la Begriffgeschichte. Ce projet exprime une volonté d’inscrire le genre dans les sciences sociales et de renouer avec la grande tradition française d’histoire sociale, tout en rejetant l’opposition entre histoire des idées et histoire sociale, analyse interne (de contenu) et analyse externe (par les causes « sociales »). Il reste à l’écart d’une pratique de l’histoire des idées souvent accusée de s’enfermer dans « le ciel des idées », de téléologie et de fétichisme des grands auteurs. Toutefois, le syntagme d’« histoire sociale des idées » peine encore à devenir un programme articulé. Certes, quelques tentatives pionnières se sont affrontées à ces délicates questions méthodologiques. Certes, du côté nord‑américain, l’entreprise marxiste de Neal et Ellen Meiksins Wood s’est rangée sous le label de « l’histoire sociale des théories politiques ». Il ne manque pas non plus de travaux empiriques qui contribuent au renouvellement de l’histoire des idées politiques en considérant celles-ci comme un domaine d’activités sociales comme un autre. Ils sont inspirés notamment par la sociologie des intellectuels et de l’expertise, la généalogie foucaldienne, le contextualisme skinnérien, l’histoire conceptuelle, l’analyse des idéologies et des langages politiques, etc. Cependant la dispersion de tous ces efforts constitue un obstacle objectif à la discussion collective, seule capable de faire émerger une plate-forme théorique qui puisse rassembler sans nier les différences.

Ce colloque entend accomplir un pas important dans ce sens, en fédérant des recherches trop souvent isolées, pour en faire l’état des lieux, en montrer les perspectives. Il s’agit de commencer à faire exister une communauté de chercheurs à même d’intégrer l’espace scientifique international qui s’est formé autour de ces préoccupations, de confronter les grandes écoles historiographiques étrangères afin d’alimenter un possible programme d’histoire sociale des idées politiques. Ce colloque se veut un lieu de rencontre et de dialogue entre des chercheurs qui, à partir de formations différentes, d’origines disciplinaires variées, d’approches souvent diverses et parfois divergentes, visent tous à comprendre comment, dans l’espace politique qui est avant tout un espace social, se forgent les convictions, s’élaborent les idéologies, s’affrontent les idées. Il paraît temps en effet de rassembler ces efforts et entreprises repérables dans plusieurs disciplines.

Nous souhaitons orienter la réflexion autour de quatre grands ordres de questionnements :

1. Que fait-on quand on contextualise les idées politiques ?
Si chacun s’accorde à reconnaître la nécessité de « contextualiser » les idées politiques pour en saisir le sens, tous ne s’entendent pas sur la signification dudit contexte : des contextes discursif, scientifique, politique, social, technique, etc. Lequel faut-il privilégier pour saisir la production des idées ? Comment articuler ces différents contextes entre eux et à quel type de causalité font-ils référence ? Cette question du contexte renvoie à une autre : que signifie le « social » dans l’expression histoire sociale des idées

2. La place de la sociologie des intellectuels dans l’histoire des idées politiques
La sociologie des intellectuels et de leur engagement constitue une dimension essentielle de l’histoire sociale de la pensée politique : au confluent des espaces intellectuel et politique, les agents spécialisés dans la production de formes symboliques, de théories, de systèmes de légitimation ou de contestation, jouent un rôle clé dans l’objectivation et l’imposition des idées et visions du monde. Mais dans quelle mesure l’analyse sociale du groupe intellectuel permet-elle d’éclairer le sens de leurs productions ? Autorise-t-elle un dépassement de l’opposition entre analyse externe et analyse interne ?

3. La question de l’idéologie et de ses circulations
Vieux concept usé et parfois discrédité, la notion d’idéologie a pu être revisitée à nouveaux frais par les sciences sociales, comme l’histoire des mentalités et l’histoire culturelle moderne en France, les cultural studies dans le monde anglophone (sur la base de relectures de classiques comme Mannheim ou Gramsci). Idéologies, esprit du temps, doxa, sens commun, consensus dominant : comment les sciences sociales peuvent-elles se saisir d’une série de faits tout à la fois massifs et anonymes ? Comment les théories (marxisme, néolibéralisme, féodalisme…) peuvent-elles s’emparer des masses, ou plutôt, comment une pluralité de classes d’agents s’approprient (ou non) des visions du monde, en les tordant, les transformant, les replâtrant, etc. ? La question de la circulation des idées dans le corps social, de ses supports et de ses intermédiaires culturels (lecteurs, éditeurs, mass medias, etc.), nous intéresse au premier chef, dans une perspective nationale ou transnationale.

4. Classes populaires et idées politiques
Dans la continuité du questionnement précédent, un problème nous semble devoir être tout particulièrement traité, tant il apparaît délicat et souvent contourné : comment envisager la perspective d’une histoire « populaire » des idées politiques, en s’interrogeant sur les constructions intellectuelles qui émergent au sein de groupes sociaux jusqu’ici trop souvent considérés comme les récepteurs passifs des idées produites ailleurs, par les élites dominantes (économiques, culturelles et politiques) ? Une culture dominée est-elle pour autant hétéronome ? Comment étudier le sens politique des classes subalternes, sans nier les phénomènes de dépossession politique mais sans réduire non plus la « politique » à sa définition légitime et institutionnelle ?

Modalités de soumission

Les propositions de communication, qui n’excéderont pas une page, doivent indiquer votre discipline et votre institution de rattachement.
Elles doivent être envoyées avant le 15 juin 2014 à chacune des deux adresses suivantes : c.gaboriaux [at] free.fr et askornicki [at] u-paris10.fr
Réponses le 15 juillet au plus tard.

Précisions sur le colloque

Les communications, d’une durée de 30 minutes, devront donc privilégier les enjeux méthodologiques et épistémologiques. Pour plus de clarté, nous invitons les intervenants à développer leur réflexion à partir d’exemples précis, issus de leurs objets d’étude ou empruntés aux travaux dont ils souhaitent rendre compte.
Afin de faciliter la discussion, nous leur demanderons en outre de nous adresser le texte de leur contribution une quinzaine de jours avant le colloque.
Le colloque aura lieu les 22 et 23 janvier 2015 et se tiendra en français et en anglais.

Comité d’organisation

Jérémie Barthas (Queen Mary, Londres), Alexandre Escudier (FNSP/CEVIPOF), Chloé Gaboriaux (IEP de Lyon/Triangle), Thomas Hippler (IEP de Lyon/Triangle), Arnault Skornicki (Paris Ouest Nanterre/ISP), Jérôme Tournadre (CNRS/ISP).

http://sophiapol.hypotheses.org/16766

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