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Appel à communications pour une journée d’étude « Sciences et mobilisations écologistes », organisée à l’université Paris 1 le 12 juin 2024

4 décembre 2023, Date limite de dépôt des propositions

Présentation

L’une des caractéristiques des nombreuses mobilisations écologistes depuis les années post-68 est le recours aux données et à l’expertise scientifiques qui conduit une frange militante à participer à la fabrique des politiques environnementales (Lascoumes, 2022 ; Ollitrault, Villalba, 2014 ; Vrignon, 2017).

La place accordée aux savoirs scientifiques dans ces mobilisations est néanmoins variable, en particulier dans la période récente. Depuis une quinzaine d’années, nous assistons en effet à des mobilisations écologistes qui construisent d’autres discours et d’autres modes d’action collective, qui peuvent tendre vers plus de conflictualité (Comby, Dubuisson-Quellier, 2023). Des associations comme Alternatiba, Extinction Rebellion, Dernière Rénovation, des collectifs comme les Soulèvements de la terre, des ZAD ou des revues militantes (comme Terrestres) participent ainsi à renouveler ou à prolonger les cadrages existants de l’écologie dans les arènes médiatiques et politiques. Une partie de ces acteurs et actrices mettent parfois à distance l’expertise professionnelle en revendiquant une nécessaire prise en charge par les citoyen·nes des changements socio-environnementaux [1]. Par contraste d’autres militants ou certaines personnalités comme Greta Thunberg construisent leur discours à partir de données scientifiques, des chiffres produits par le GIEC ou l’IPBES pour justifier l’urgence environnementale et arguer de la nécessité d’agir (« Il faut écouter les scientifiques » dit ainsi Greta Thunberg [2]). Il existe également des associations qui proposent des scenarii prospectifs adossés eux aussi à des données scientifiques.

Ces inégales mobilisations des sciences comme registre de légitimation de l’action posent plusieurs questions : à quelles conditions les savoirs scientifiques apparaissent-ils comme un moyen de conduire la mobilisation écologique ? Comment le recours à l’expertise scientifique s’articule-t-il aux ambitions d’associer les citoyen·nes aux décisions et mobilisations environnementales ? Quelles sont les disciplines mobilisées – sciences naturelles et/ou sciences humaines – et celles qui ne le sont pas ? Les usages des savoirs scientifiques, et notamment les données chiffrées, renforcent-ils la dépolitisation de l’action militante évoquée par certains travaux (Brusadelli, Martell, 2022) ?

On observe également des regroupements de chercheur·ses en collectifs, à travers par exemple la branche scientifique d’Extinction Rebellion, pour mener des opérations de désobéissance civile. D’autres, souvent davantage spécialistes des sciences humaines, se mobilisent aussi, comme dans la lutte récente contre la dissolution du collectif des Soulèvements de la Terre [3], ou bien s’investissent dans certaines mobilisations, comme dans l’Affaire du siècle [4]. Ces constats suscitent à leur tour de nouvelles questions : les modalités d’implication de chercheur·ses en sciences humaines et sociales diffèrent-elles de celles de celles des autres scientifiques tel·les que les naturalistes, notamment à travers le recours à des modes d’action collective plus politisés que le recours à l’expertise et aux rapports scientifiques ? Plus généralement, comment les chercheur·ses mobilisent-ils et elles leurs connaissances et leurs compétences scientifiques dans le cadre de leur activité militante ? En quoi la production même de ces savoirs est-elle façonnée par des dynamiques politiques ?
Cette journée d’étude vise à apporter des réponses à ces questions en étudiant les liens entre les recours militants aux savoirs scientifiques, les pratiques des scientifiques elles et eux- mêmes et les mobilisations écologistes. Plus précisément, elle invite à des propositions de communication articulées aux axes suivants et fondées sur des enquêtes empiriques menées sur des cas français et/ou étrangers.

Axe 1. Les scientifiques mobilisé·es
Ce premier axe propose d’analyser le profil des scientifiques investi·es dans les mobilisations écologistes, leur mode d’action collective, leur rôle dans la vie des collectifs et les effets sur les cadrages militants, leur stratégie politique et les solutions qu’ils et elles proposent. Il est aussi l’occasion de se pencher sur la production des savoirs dans le cadre académique par les scientifiques mobilisé·es : comment leur engagement militant s’articule-t-il à leurs choix théoriques et leurs objets de recherche ? Comment les contraintes politiques et administratives qui pèsent sur la production scientifique (réponses à des appels de projets, permis accordés ou non, recherche sur projet avec des comités de pilotage hybrides, etc.) façonnent-elles les enquêtes et les savoirs produits ?

Axe 2. Données scientifiques et cadrages militants
Ce deuxième axe interroge les usages faits par les différents mouvements écologistes des données et des références scientifiques. Il s’agit notamment d’étudier les stratégies de communication déployées par certains acteurs lorsqu’ils et elles utilisent ce type d’arguments. Dans quelles circonstances les données scientifiques sont-elles employées ? Quels effets cela produit-il en termes de (dé)politisation des crises écologiques ? Il semble aussi important d’analyser les choix faits par les associations qui s’appuient sur les données scientifiques pour construire des scenarii au sujet de l’avenir ou des possibles et des impossibles : quelles sciences sont mobilisées ? Quels effets ces savoirs ont-ils sur les réponses proposées par ces associations pour endiguer les crises écologiques et leurs effets sociaux ?

Axe 3. Sciences humaines, sciences naturelles
Ce troisième axe s’intéresse aux différentes sciences mobilisées par les mouvements écologistes. L’objectif est de saisir les types de sciences sur lesquels s’appuient les mondes militants et les mobilisations. Quelle part occupent les sciences humaines et sociales ? Dans quelle mesure des luttes de pouvoir entre disciplines se rejouent-elles dans le champ des mobilisations écologistes ? Ces questions sont aussi l’occasion de mener un exercice de réflexivité quant au rôle occupé par les sociologues et les politistes dans les mouvements écologistes.

> Télécharger l’appel à communications

Modalités de soumission et participation

Propositions de communication de 6 000 signes, précisant le cadrage théorique, le terrain, la méthode, une bibliographie sommaire et les principaux résultats. À envoyer en format PDF à clemence.guimont@univ-paris1.fr pour le 4 décembre.

Calendrier prévisionnel

4 décembre : soumission des propositions
Fin décembre : sélection
30 avril : envoi des textes à l’intention des discutant.es
Mercredi 12 juin : Journée d’étude à Paris 1

Bibliographie

  • Brusadelli Nicolas, Martell Yannick, « Réformer le militantisme, relancer le mouvement climat. Sur la genèse d’Alternatiba », Actes de la recherche en sciences sociales, 2022/2 (N° 242), p. 4- 21.
  • Comby Jean-Baptiste, Dubuisson-Quellier Sophie, Mobilisations écologiques, Paris, Presses universitaires de France, coll. « La Vie des idées », 2023.
  • Lascoumes Pierre, Action publique et environnement, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2022
  • Ollitrault Sylvie, Villalba Bruno, « 67. Sous les pavés, la Terre. Mobilisations environnementales en France (1960-2011), entre contestations et expertises », dans : Michel Pigenet, Danielle Tartakowsky (dir.), Histoire des mouvements sociaux en France. De 1814 à nos jours. Paris, La Découverte, coll. « Poche / Sciences humaines et sociales », 2014, p. 716-723.
  • Vrignon Alexis, La naissance de l’écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 68, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

Comité d’organisation

  • Clémence Guimont, maîtresse de conférences en science politique à Paris 1 (CESSP, UMR 8209)
  • Thibaud Boncourt, professeur des universités en science politique à Lyon 3 (Triangle, UMR
    5206)
  • Laurent Jeanpierre, professeur des universités en science politique à Paris 1 (CESSP, UMR 8209)

[2Discours de Greta Thunberg à l’Assemblée nationale française en juillet 2019 et à l’ONU en septembre 2019.

[4[https://laffairedusiecle.net/qui-sommes-nous/], consulté le 28 juin 2023

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