Rumelhart, Antoine
Doctorant en études anglophones à l’Université Lumière Lyon 2
Thèse en cours
Titre provisoire : "And yet, and yet, I want to be acknowledged" : effacement, engagement et création chez Willa Muir (1890-1970), traductrice et intellectuelle moderniste.
Sous la direction de : Françoise Orazi
Résumé : Cette thèse s’intéresse aux mécanismes d’effacement et de domination masculine auxquels l’écrivaine, traductrice et féministe écossaise Willa Muir (1890-1970) a été confrontée pendant sa vie, avec l’ambition de montrer quelles échappatoires et quels moyens de dépassement de ces mécanismes l’autrice a pu trouver à travers son engagement politique, d’une part, et d’autre part la mise en scène de celui-ci dans l’ensemble de son œuvre. Première traductrice des textes de Franz Kafka en langue anglaise, ses travaux sont co-signés par son mari Edwin Muir (1887-1959) et largement attribués par la critique à ce dernier seulement, invisibilisant de fait le travail de Willa Muir qui écrit pourtant en 1953 : « Most of this translation, especially Kafka, has been done by ME. Edwin only helped. » Outre une quarantaine de traductions, dont des textes de Franz Kafka et Hermann Broch, Willa Muir a publié deux romans, une autobiographie, deux essais féministes et des articles sur la condition féminine de son époque ; elle a aussi laissé de nombreux textes non publiés, parmi lesquels deux autres romans, de nombreux essais et articles et une abondante correspondance.
Indéniablement féministe, suffragiste dès sa jeunesse, Willa Muir a milité toute sa vie pour une égalité de traitement entre les femmes et les hommes et pourtant semble s’être mise de plein gré et en conscience au service de son mari pour faciliter le travail créatif de celui-ci, au détriment du sien propre. Dans la droite ligne des travaux de Aileen Christianson et en parallèle de ceux, plus récents, d’Emily Pickard, cette thèse entreprend de démontrer que sous les apparences d’adhésion et d’acceptation qui sont à l’origine de cette contradiction se trouvent une vision du monde singulière et une réflexion ininterrompue depuis l’enfance de Willa Muir sur la place et le rôle des femmes dans la famille et dans la société. À travers sa lecture féministe de la situation dans laquelle elle se trouve, Willa Muir se rend capable de critiquer les rapports de genre hiérarchisés et normés qui gouvernent son quotidien en des termes qui lui permettent en même temps de justifier son propre positionnement domestique. Muir ne pouvant être considérée comme une victime ignorante de la domination masculine, la mise en scène de son engagement politique dans ses œuvres publiées et non-publiées semble constituer une forme de résistance symbolique, dans la mesure où, à défaut de renverser les rôles traditionnels de genre de la société édouardienne, Muir va renverser à la place le système de références qui les sous-tend. Cette mise en scène existe aussi dans ses traductions, qui n’ont été jusqu’à présent que très superficiellement abordées par la critique et qui portent pourtant de façon claire, à cause des choix de traduction opérés par Willa Muir, les marques de sa propre lecture et de son système de pensée.
Le traitement de ces questions s’appuie sur un important travail d’archives (St Andrews, Edimbourg) et sur l’analyse stylistique, rhétorique et linguistique d’un corpus des différentes traductions des œuvres de Franz Kafka en anglais.
Thèse débutée en 2021.
Présentations scientifiques :
“’A tiny screw loose in the Clever Clock’ : Hugh MacDiarmid through the pen of Willa Muir”, Hugh MacDiarmid 1923-2023 : Visions & Revisions, conférence internationale, Université de Bretagne occidentale, Brest, France, 15 juin 2023.