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/ PRODICS : production discursive des catégories sociales [2010-2012]

Axes de recherche

lundi, 4 octobre 2010 [ / UMR 5206]

Ce texte détaille le programme de recherche du laboratoire junior à travers ses axes de recherche.

Les trois axes de recherche que nous proposons reprennent trois grands domaines d’études de la pensée et des pratiques politiques : les grandes formations idéologiques, les logiques de politisation et la formulation des politiques publiques.

Axe 1 : Idéologies et catégories sociales

Ce premier axe se propose d’étudier les rapports entre idéologie et catégories sociales. Dans la définition canonique qu’en donne la science politique depuis le xixe siècle, l’idéologie est un système de représentations qui soutient un projet politique de légitimation ou de transformation de la société. Sous cet aspect, nous proposons d’examiner les représentations des catégories sociales dans deux grandes formations idéologiques de la modernité occidentale : le conservatisme et le libéralisme. On trouve chez les conservateurs une conception verticale de la société, fondée sur une vision organique des hiérarchies entre les groupes, qui tend vers la fixité sociale. Par opposition, la conception libérale de la société est horizontale ; animé par l’idéal d’une société ouverte où les barrières sociales sont perméables, le libéralisme propose une vision égalitariste des relations interindividuelles et recherche une distribution méritocratique des statuts professionnels [1]. Il est également nécessaire d’étudier la réaction des libéraux et des conservateurs face à la vision conflictuelle des rapports sociaux qu’implique la lutte des classes.

Notre intérêt sera également de complexifier cette approche de l’idéologie, en l’envisageant non seulement comme un système de représentations mais également comme le processus historique de production d’un tel système de représentations. Dans cette perspective, nous proposons d’analyser la production des catégories sociales et les effets sociaux et politiques produits par ces discours en termes de légitimation, et pareillement la production des conceptions contre-hégémoniques des catégories sociales ainsi que les effets sociaux et politiques qu’elles produisent en termes de luttes politiques.

Axe 2 : Représentations des catégories sociales et construction des groupes sociaux

Ce deuxième axe aborde les processus par lequel les groupes sociaux se constituent en tant que groupes en se représentant leur propre identité, processus qui supposent la définition d’intérêts collectifs, un positionnement vis-à-vis des autres groupes et, parfois, un jugement sur l’état général de la société dans laquelle ils sont immergés. Il s’agira également d’étudier comment les sentiments d’appartenance sociale peuvent être redéfinis par les discours, les actes et les représentations qu’ils véhiculent. Par exemple, le choix de se syndiquer ou non met en jeu les représentations que se fait un individu de sa place dans la structure sociale et ces représentations sont partiellement influencées par les discours en provenance des syndicats et du patronat.

Les définitions identitaires en termes d’identités sociales ont été remises en cause sous l’effet des luttes des minorités(femmes, minorités ethniques et sexuelles). Une partie du mouvement ouvrier traditionnel, attaché aux définitions en termes de classe et hostile à ces luttes, de même que les promoteurs de la théorie des nouveaux mouvements sociaux, ont vu une contradiction entre identité de classe et identité minoritaire, matérialisme et post-matérialisme, logique révolutionnaire et demande de reconnaissance. Cependant, ce n’est pas sous la forme de l’exclusion mutuelle qu’il est le plus pertinent d’évaluer les rapports entre les analyses en termes de catégories sociales et les pensées minoritaires, notamment la théorie féministe qui a sans doute adressé les critiques les plus virulentes aux définitions traditionnelles de la classe ouvrière [2]. Il sera plus intéressant d’étudier les inflexions réciproques et les transformations produites par la confrontation des revendications minoritaires et des définitions en termes d’identités sociales.

Axe 3 : Les politiques publiques et la représentation des catégories sociales

Ce troisième axe interroge la mesure dans laquelle les représentations des catégories sociales informent et participent à l’édification des politiques publiques. De nombreux travaux ont démontré que les acteurs de l’action publique, notamment au travers des ressources qu’ils mobilisent, conçoivent et construisent les politiques publiques selon leurs représentations des populations cibles de celles-ci [3].

Ainsi, nous souhaiterions poursuivre ce questionnement en replaçant dans un contexte socio-historique cette prise en compte des catégories pour concevoir l’action publique. Il s’agira d’interroger non seulement les ruptures et continuités de l’action au travers de la catégorisation des populations mais aussi la manière dont les groupes identifiés par les décisionnaires de l’action publique se mobilisent pour influencer la définition et la conception des politiques publiques. Sur ce questionnement, les travaux relatifs aux politiques publiques urbaines sont particulièrement éclairants puisqu’ils s’interrogent sur les capacités de groupes, constitués préalablement ou non, à se mobiliser pour définir l’action publique [4].

[1Pour une étude approfondie des conceptions verticales et horizontales de la société, voir les ouvrages de Louis Dumont, Homo hierarchicus : Essai sur le système des castes et Homo aequalis : Genèse et épanouissement de l’idéologie économique (Paris, NRF-Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1967 et 1977).

[2Joan W. Scott, Gender and the Politics of History, op. cit., pp. 53-56.

[3Voir par exemple Emma Bell, L’État britannique entre le social et le carcéral : Pour une explication du tournant punitif de la politique pénale néo-travailliste (1997-2007), thèse de doctorat, Université Lumière Lyon2, novembre 2008.

[4Des études empiriques étudient les pratiques concrètes de tous les acteurs concernés, sur la base de la sociologie de l’action organisée. Les représentations des catégories sociales semblent alors moins déterminantes pour guider les politiques urbaines que les négociations entre tous les acteurs et les multiples arrangements entre eux. Là encore, les expériences personnelles sont déterminantes puisqu’elles régulent les relations entre les acteurs. Ces derniers sont traversés par une multitude d’expériences qu’ils redistribuent en fonction des situations dans lesquelles ils se trouvent. L’importance de la régulation sociale doit ici être abordée puisque des règles du jeu s’établissent entre les acteurs, suivant les expériences incorporées, les hiérarchies crées. Voir Paul Boino, Lyon. La Production de la ville, Marseille, Parenthèse, 2009.