/ Séminaire du Laboratoire Junior d’épistémologie et d’ontologie sociale (LEOS)

Judith Favereau : « Histoire et méthodologie des expériences de terrain en économie »

24 mai 2019, 16h-18h, à l’ENS de Lyon, bâtiment Buisson, salle D8.007

Présentation

Ce travail soulève des enjeux importants pour les chercheuses et chercheurs en sciences sociales, à la fois quant à l’évolution des disciplines vers une orientation pratique (expertise des politiques publiques), mais aussi quant aux modalités épistémologiques de réalisation du terrain : peut-on expérimenter sur le social, sous quelles conditions, pour quelle validité, selon quels critères ? Il est également l’occasion pour des chercheuses et chercheurs de différents horizons (philosophie, sociologie, économie, histoire, sciences politiques) de découvrir le champ de l’économie expérimentale.

Nous invitons donc les étudiant.e.s, les chercheuses et les chercheurs à venir participer à ce séminaire.

Intervenante : Judith Favereau, maître de conférences en sciences économiques à l’Université Lumière Lyon-2

Résumé

Tandis que les expériences de laboratoire en économie ont été très largement étudiées par les historiens et les philosophes de l’économie ces dernières années, les expériences de terrain, n’ont quant à elles suscité que très peu de travaux. Dans quel contexte ces expériences de terrain ont-elles été défendues, mises en place ? Quelles sont les justifications méthodologiques qui poussent à passer du laboratoire au terrain ? Cette présentation se propose de répondre à ces questions en utilisant à la fois des matériaux historiques et méthodologiques.

L’analyse historique montre que l’histoire des expériences de terrain en économie est double : elle relève de deux histoires distinctes. En ce sens, une histoire des expériences de terrain en économie est l’histoire de deux composantes différentes. La première composante historique s’inscrit dans l’histoire des expériences sociales de terrain, en vue d’évaluer des politiques publiques et s’inspirant très largement du mouvement de la médecine fondée sur les preuves. Un mouvement similaire à celui de la médecine a pris place en science sociales ces trente dernières années : la politique fondée sur les preuves. Au cœur d’un tel mouvement se situent les expériences randomisées, expériences permettant d’annuler des biais statistiques que d’autres méthodes, expérimentales ou non ne permettent pas d’annuler. La seconde composante historique s’inscrit directement dans la droite lignée des expériences de laboratoire en économie. En effet, le laboratoire crée un espace artificiel, éloigné du monde réel, que le terrain cherche alors à diminuer. En cela l’histoire des expériences de terrain en économie est une histoire qui provient à la fois de l’intérieur et de l’extérieur de l’économie.

D’un point de vue méthodologique, la distinction de ces deux composantes met en évidence que ces dernières souffrent d’une faible validité externe, mais cela pour deux raisons distinctes. Les résultats expérimentaux de la première composante (inspirées des expériences randomisées) sont difficilement généralisables d’un contexte à un autre. En ce sens, le problème de validité externe est ici un problème de générabilité. Les résultats expérimentaux de la seconde composante (inspirée du laboratoire) sont souvent éloignés du monde réel. La question de la validité externe est donc ici celle de l’artificialité. Sur la base de la distinction de ces deux composantes historiques, et de ce fait de deux enjeux méthodologiques distincts, nous proposons un cadre méthodologique alternatif. Ce cadre méthodologique alternatif cherche à répondre simultanément aux limites de générabilité et d’artificialité en se concentrant sur la notion d’exhibit développée par Robert Sugden et en proposant de conduire des séries d’expériences (à la fois inspirées du laboratoire et des expériences randomisées). De nombreux exemples seront offerts afin d’illustrer comment un tel cadre méthodologique peut être mis en place en pratique.

Contacts

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